L'engagement d'un écrivain suppose un choix public, l'élection d'une cause et sa défense dans un texte. Mais s'engager ne va pas sans une part de danger et de courage : celui qui s'engage contredit la règle, alimente un contre-pouvoir. Et bien que dans un sens étroit, la littérature engagée ne désigne qu'une étape de l'histoire littéraire du XXe siècle où écrivains et philosophes (Sartre, Camus, Beauvoir, avant eux Aragon et Malraux) firent de leurs mots les porte-voix d'une lutte politique, la littérature tout entière ne doit son histoire qu'à des transgressions, à la critique des limites qu'on lui pose. La littérature engagée suscite un questionnement autant d'ordre politique que d'ordre poétique. On voit traditionnellement dans l'affaire Dreyfus, naissance de l'intellectuel, l'origine de l'engagement en littérature. L'auteur engagé, à l'image de Zola, est celui qui va se servir de sa qualité d'homme public, la mettre en gage pour s'opposer et accuser. Mais on peut alors faire rayonner la notion d'engagement à rebours : Montesquieu et Voltaire, les auteurs des Lumières et des Utopies, Sade et Germaine de Staël, Jules Vallès et Victor Hugo ne sont-ils pas aussi des écrivains engagés dans un sens moins restreint, en tant qu'ils ont tous défendu une cause et choisi d'exposer leur personne ? " Je tiens Flaubert et Goncourt pour responsables
de la répression qui suivit la Commune L'engagement consiste donc à rendre visible l'invisible, à forger en dénonçant une connivence avec le lecteur, le menant à l'action, ou du moins à la réflexion. La littérature engagée postule donc une parole transparente et éclairante, parole-conscience, mot-action. Sartre va plus loin encore, établissant une responsabilité de l'écrivain en tant qu'homme public. Sortir de l'anonymat pour être lu rend les mots nécessairement pesants : "la littérature vous jette dans la bataille [...] si vous avez commencé, de gré ou de force vous êtes engagé" écrit Sartre. On est de son temps, on doit en parler, on est coupable de se taire. Mais toute parole est-elle pour autant subversive ? L'écrivain "engagé" sait
que la parole est action; il sait que dévoiler
Parole, orage, glace Mais c'est précisément avec la poésie que se dessine une des limites de la littérature engagée : la littérature n est-elle pas le lieu du dégagement rêvé rimbaldien, une parole du monde sans prise sur lui, une voix pure? "Pourquoi des poètes en temps de détresse ?" s'interroge dans une formule célèbre Hôlderlin. La littérature engagée s'inscrit en effet par définition dans une modernité, dans une instantanéité du débat public, et cet impératif contrarie le désir de la littérature à être de toute éternité. La littérature engagée n'est-elle pas condamnée à dater ? Je me résignais mal à n'être
qu'un littérateur. Pour dépasser 1'opposition entre littérature engagée
et éphémère de la révolte, Leiris choisit De la même manière, les récits sur l'enfer concentrationnaire relisent à leur manière le problème de l'engagement, ouvrant une question permanente à la modernité, rappelant la violence salutaire de l'écrit. Ultime légitimation du livre alors que "le fait même d'écrire était suspect" (P. Levi), dernier rempart de l'humanité, cette littérature engagée naît de l'impossibilité de ne pas fixer et d'une fonction neuve attribuée au verbe : "À nous-mêmes, ce que nous avions à dire commençait alors à nous paraître inimaginable", écrit Robert Antelme. Comme le souligne douloureusement Primo Levi, à l'horizon de la littérature engagée, il y a bien l'urgence de la transmission d'un savoir et d'une permanence. Un des postes essentiels de ce passage de relais est tenu par l'école, où l'enseignement doublement ancré dans les textes et dans le monde échange (et les récents événements relatifs à la liberté pédagogique le confirment) une des formes aiguës de l'engagement. Peut-on, doit-on tout enseigner, pourquoi ne pas faire lire certains textes, quelle est la responsabilité de celui qui fait lire ? La mémoire de la littérature conservant les classiques ne les désigne-t-elle pas finalement du même coup comme œuvres engagées ? En effet, si un texte engagé peut mourir de son actualité, les textes qui restent ne s'ancrent-ils pas dans le temps du fait de leurs aspérités ? L'histoire des procès et emprisonnements d'auteurs (Rabelais, Diderot, Sade ou Baudelaire) est éloquente. Ainsi évoquer la religion, la sexualité, le pouvoir engage l'oeuvre. Sade dans La philosophie dans le boudoir fait se répondre érotisme et théories politiques, se servant d'une provocation pour faire admettre l'autre. Les classiques d'aujourd'hui furent tous subversifs, tordant une règle théâtrale ou prosodique, défiant la censure, dénonçant un pouvoir, défendant une injustice. La nécessité d'écrire se tient du côté du refus et de la révolte. Être auteur c'est être "celui qui dit non" pour reprendre les mots de Brecht. La littérature engagée est un écho du désir
orphique du verbe à changer le monde. Elle est l'expression
d'un possible, une question posée à un monde qu'elle
ne reconnaît pas. Mais est-elle à ce titre encore littérature,
art du masque, du signe prismatique et de l'illusion? La littérature
engagée est un monstre, ou un équilibre délicat,
jouant précisément sur le caractère biface du
signe : lié au réel, pénétré de
son réfèrent le plus immédiat et le plus provoquant,
limpide et identifiable, échappant pourtant à ce réel,
se faisant image, poème et mythe, rempart et force.
2 Préface de "Paroles de Révolte"
L'
Histoire est une longue suite de révoltes, individuelles ou collectives.
De Jésus-Christ chassant les marchands du Temple à Spartacus menant
son peuple d'esclaves sur la Rome des riches, de Gandhi dénonçant
par la non-violence le scandale de la colonisation à Jan Palach
se suicidant par le feu pour alerter la conscience du monde... Révolte
de la Commune, Révolte des Camisards, Révolte des « nègres marrons
», Révolte de Mai 68... Révolte philosophique de l'homme contre
l'absurde de sa condition ou colère de l'individu contre l'injustice,
la misère et l'oppression sociale. Toujours
l'Homme se dresse pour refuser l'insoutenable. Et les mots jaillissent
de sa bouche, durs et beaux comme des cris. La colère se fait chant,
la révolte se fait verbe... Et c'est Rimbaud, Maïakovski, Artaud,
Jules Vallès ou Walt Whitman, prêtant leur souffle à cet éternel
refus d'accepter un monde inhumain. Que serait un homme sans cette
petite lumière, que serait-il sans cette conscience, cette saine
fureur qui lui fait redresser la tête, dire non, même au péril de
sa vie?... dût-il être banni comme Hugo, condamné à mort comme Vallès
ou périr comme Giordano Bruno ! La
vie et le monde s'acharnent à nous rogner les ailes, mais c'est
notre devoir absolu de nous efforcer en retour de les étendre, le
plus large possible. Je dis non, je refuse, j'accuse, je mets en
doute.. je me révolte donc je suis. Mais aujourd'hui, qu'en est-il de la révolte, dans un Occident qui semble s'essouffler, gagné par la lassitude, dépassé par l'ampleur de ses problèmes ? La révolte aurait-elle sombré, emportée par la grande vague de la fin des idéologies ? Ne nous y fions pas car la belle est coriace. On n'a pas sa peau aussi facilement. Toujours la révolte couve, au sein de la jeunesse dont elle reste éternellement la fiancée de cœur. Pareille au Phénix, elle renaît de ses cendres pour échauffer le sang des jeunes générations. C'est donc aux adolescents que sont dédiées avant tout ces Paroles de Révolte car, selon la formule d'Alain, «l'individu qui pense contre la société qui dort, voilà l'histoire éternelle, et le printemps aura toujours le même hiver à vaincre ».
Michel Piquemal
3 La révolte des poètes pour changer la vie Les
poètes sont généralement des gens paisibles, mais ils sont sensibles
à l'injustice, à l'oppression, aux malheurs qui frappent les déshérités,
et ils appellent à «changer la vie», comme disait l'un d'entre eux,
Arthur Rimbaud, un adolescent en révolte contre le désordre établi,
voilà plus d'un siècle. Cet
engagement des poètes a suscité bien des chefs-d'œuvre de notre
poésie, depuis Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné au XVI°
siècle jusqu'aux Châtiments de Victor Hugo au XIXe. Plus
près de nous, la poésie de la Résistance à l'occupation allemande,
de 1940 à 1945, a rendu populaires des poèmes de Louis Aragon, Robert
Desnos, Paul Éluard, etc. Une
bonne part de la poésie d'aujourd'hui, au tournant de l'an 2000,
exprime l'indignation et la révolte, mais sans déclamation ridicule.
Les poèmes de Jacques Prévert nous ont montré que l'ironie et l'humour
pouvaient avoir plus de force que la grandiloquence. C'est une vérité
traditionnelle de notre poésie : les moralités des Fables
de La Fontaine, avec un certain cynisme et une apparente soumission
à l'ordre du monde, peuvent inciter subtilement à la révolte salutaire;
après tout, c'est bien lui qui nous a montré que le loup préfère
sa liberté d'affamé à la soumission repue du chien. Et
l'école elle-même, spontanément remise en cause par tant de révoltés,
c'est bien elle qui nous a appris La Fontaine, Jacques Prévert,
et, pour nous en tenir à quelques écrivains récents de la révolte
partis rejoindre le Cercle des Poètes disparus, Paul Valet, Boris
Vian, Pierre Boujut, Pierre Seghers, Jean Cuttat, etc. Refuser
d'accepter le monde tel qu'il fonctionne, c'est-à-dire mal, c'est
un signe de santé. Comme le dit André Gide, " un esprit
incapable de révolte et d'indignation est un esprit sans valeur
". Cette
révolte, cette indignation exaltent l'éternelle jeunesse du monde
et la font vivre, même si elles ne parviennent pas vraiment à «changer
la vie», on a souvent pu le constater, mais sans elles, le monde
serait livré à la nuit. Se révolter, c'est une façon de se trouver,
de s'affirmer, de refuser tant qu'on le peut les servitudes de la
vie qu'on nous fait alors que nous voulons la faire nous-mêmes.
Albert Camus disait : "]e me révolte, donc je suis."
Tant de gens en vieillissant acceptent de se faire une raison
et ils ne sont plus personne puisqu'ils deviennent comme tout le
monde. Certes, nous ne changeons pas grand-chose dans ce monde avec
nos poèmes, mais la poésie nous aide à résister aux forces de la
déshumanisation qui nous guettent partout. La
poésie a toujours exalté cette part de refus qui est en chacun de
nous et qui, de Spartacus qui fit trembler la Rome antique jusqu'aux
étudiants rigolards de Mai 68, a toujours inquiété les pouvoirs
établis, les hommes d'ordre, les gens sérieux. Elle est pourtant
l'un des éléments moteurs du monde. Voilà tout juste un siècle,
l'ingénieur Charles Keller écrivait sous le pseudonyme de Jacques
Turbin : Le
premier singe qui se redressa, pensif, Pour
marcher sans bâton sur ses pieds de derrière, Fut
traité par les siens d'animal subversif et de révolutionnaire. Les
poètes d'aujourd'hui sont les héritiers de cette longue tradition
de la révolte au nom de l'éminente dignité des hommes contre toute
oppression. C'est
ce que rappellent à leur tour les soixante et un poètes réunis dans
ce livre. Ils disent que la révolte contre le mal qui est dans le
monde est nécessaire; qu'ils refusent de se résigner; qu'il ne faut
pas se soumettre aux forces du mépris, de la haine, du racisme,
de la guerre, de la violence, du profit; que la misère, les tortures,
l'esclavage sont nos vrais ennemis; que la révolte est le signe
de la générosité quand elle revendique une vie plus fraternelle,
plus belle pour tous, malgré tant d'échecs, tant de malheurs et
tant de souffrances. Car
ils savent que dans le mot révolte s'entend toujours l'écho
du mot rêve. Jacques
charpentreau. 4 Poètes de la liberté Rassembler
des textes poétiques autour du mot "liberté" est une entreprise
séduisante et impossible. Séduisante, parce qu'il n'est pas de mots
dans la langue française qui ne recouvrent autant d'images diverses.
Car la liberté est aussi bien l'idéal auquel toutes les révolutions
tendent, que le désir pour chacun d'entre nous de transgresser les
règles de la morale familiale, sociale et toutes les normes... Mais
c'est une entreprise impossible dans la mesure où toute poésie est
affirmation implicite ou explicite de la liberté de "tout dire".
Il aurait donc fallu citer "tous les livres" de poésie.
Comme il fallait bien choisir, je me suis donc laissé aller à un
choix d'humeur. Et j'ai retenu certes des textes qui parlaient de
liberté très fort, très ouvertement mais aussi des poèmes qui disent
sans le crier, l'évasion, l'errance, la dérive, ou qui décrivent
des espaces sans limites, des textes de circonstances, liés par
exemple à la Résistance, mais également des textes qui disent les
prisons imaginaires et les évasions impossibles. Comme je crois
assez peu à la poésie traduite je me suis attaché à ne retenir que
des textes en langue française venant de France, de Suisse, de Belgique,
du Québec. J'ai parcouru le temps : on chante la liberté depuis
toujours, j'ai retenu des poèmes très connus et qui sont sur toutes
les lèvres et dans toutes les mémoires et des poèmes moins familiers
de grands auteurs et même de poètes mineurs ou presque ignorés. Le
seul critère qui m'a guidé, inconsciemment sans doute, car je m'en
suis aperçu à la relecture des poèmes, une fois qu'ils furent rassemblés,
est celui de l'efficacité et de l'évidence. Et ces termes recouvrent
un paradoxe sur lequel, présentant des textes sur la liberté, je
tiens à intervenir : "L'évidence poétique" n'est pas donnée
; elle est une conquête , elle est inévitablement le résultat d'un
travail. Travail patient ou activité fulgurante mais travail. Le
poète, quel qu'il soit, ne peut pas échapper à des contraintes de
toute nature et particulièrement à celles qui sont dans sa langue
maternelle ! Et c'est bien pour cela qu'entre la liberté et la poésie
se noue un réseau d'images analogues. Toute liberté se gagne au
terme d'un combat. Elle n'est pas plus offerte à l'homme que l'efficacité
armée de son langage de poète. Tous les textes qui suivent sont
conquis sur les espaces clos où la routine quotidienne, où le dire
de l'habitude nous enferment. A la limite on pourrait affirmer que
nous sommes tous des prisonniers et que le cri ou le murmure de
la poésie sont des armes de délivrance et d'évasion. C'est bien
pourquoi l'un des derniers recours des hommes enfermés dans les
murs réels des prisons réelles est de le dire avec toute la force
des mots dynamisés d'un poème. Mon seul souhait est donc que les
lecteurs de ces textes : enfants, adolescents, hommes et femmes
de tous les âges y découvrent, avec le plaisir de réinventer ces
mots qui délivrent, que toute liberté, comme toute poésie, est une
conquête et une victoire sur la nuit. Georges
Jean 5
Préface de "la poésie de la Résistance." ( extraits)
ENJEUX ET MODALITÉS DE LA PAROLE POÉTIQUE La
parole poétique ( de la Résistance) devient celle autour de laquelle
va se réunir un lectorat, issu de tous les milieux
et de toutes les obédiences politiques, à un moment où une partie
de l'élite intellectuelle (Brasillach, Drieu La Rochelle) a trahi.
La parole poétique devient parole du refus, et c'est toute une communauté
réunifiée qui, dans la poésie de la Résistance, va se rassembler
autour de valeurs qui ne vont plus de soi, pour reconquérir sa dignité
et proclamer la force de son identité. Ainsi
le poète va-t-il être le héraut qui parle pour les muets, bâillonnés
par l'humiliation de la défaite, puis par le déferlement de la propagande.
Son poème s'adresse à tous ces lecteurs anonymes qui peuplent l'ombre,
pour créer une communauté d'esprit mais aussi pour exhorter à la
révolte et formuler un appel (d'où les nombreuses modalités injonctives
des textes). Le poète sonne alors la diane(cf. La Diane Française
d'Aragon) ou décrète l'état de veille (Etat de veille de
Desnos). Parfois encore, le poète est celui qui va donner une voix
ultime à ceux qui sont tombés et les sauver ainsi de l'oubli : c'est
ce que font Robert Desnos dans les «Couplets de la rue Saint-Martin»
ou René Char dans certains des «Feuillets d'Hypnos». Si le texte
poétique parle au nom de l'autre, il est aussi parole à un autre
soi-même : le poète s'adresse à des voix soeurs, d'où ce souffle
fraternel et ce sentiment de connivence qui traversent souvent les
poèmes de Résistance. D'où aussi ce ton de confidence
et l'efficacité consolatrice de ces textes qui bercent la souffrance
née de la tourmente de la guerre. L'écriture
poétique acquiert dans ce contexte une valeur primordiale renforcée
par le fait qu'elle va puiser - pour les recueils clandestins comme
pour ceux publiés au grand jour - aux sources de la littérature
française. Elle pourra ainsi réaffirmer l'identité culturelle du
pays face à l'occupant. Nombre d'écrivains choisissent ainsi de
réutiliser des histoires empruntées à notre littérature, mais en
les détournant de leur sens premier. Aragon, quant à lui, renouvelle
son écriture poétique en y intégrant l'héritage de la poésie médiévale,
ce qui lui permet de contourner la censure par tout un jeu d'allusions
savantes comme dans son recueil Brocéliande, que le jeune
catholique Gilbert Dru, dédicataire de «La Rosé et le Réséda». avait,
dit-on, dans sa poche quand il fut arrêté. Certaines
formes traditionnelles aux qualités mnémotechniques, comme la ballade,
le lai, la chanson, sont abondamment utilisées. Refrains, répétitions,
rimes ou allitérations rendent en effet le message qu'elles véhiculent
plus facilement mémorisable et lui confèrent solennité et force
de persuasion. La
poésie du peuple devient ainsi populaire au sens noble du terme. POÉSIE En
effet, à s'attacher ainsi au destin d'un peuple en des circonstances
particulières et dramatiques, la poésie de la Résistance court peut-être
le risque de n'être plus comprise quand les temps ont changé; le
principe de connivence sur lequel elle repose souvent pourrait devenir
un handicap pour le lecteur quand l'Histoire a passé; enfin, sa
force émotionnelle peut s'éroder, voire s'effacer quand les générations
successives ne connaissent plus ou n'ont jamais connu les années
noires de la guerre et de l'Occupation. Cette
poésie de la Résistance serait-elle donc une poésie datée que de
jeunes lecteurs ne pourraient plus lire ou comprendre aujourd'hui?
Même si des précisions
d'ordre historique sont souvent nécessaires pour en éclairer la
lecture, il n'en reste pas moins que cette poésie porte témoignage
de temps qui pourraient revenir et rejoint des questionnements qui
touchent à l'universel quand elle a su trouver la langue irradiante
des vraies questions. Certes, parfois le poème est maladroit, les
codes de lecture trop appuyés, les procédés d'écriture trop voyants,
mais la parole nous touche et nous parle en vérité. Nous aurions
parfois aimé qu'elle fût plus belle mais il peut suffire qu'elle
soit vraie, «Poésie et vérité, comme nous savons, étant synonymes.» 6 Préface de PLUMES DE PAIX Les
écrivains et les illustrateurs de livres de jeunesse ont toujours
préféré les crayons aux canons. Le bruit de mitrailleuse qu'on entend
vient de leur machine à écrire. Ils dispersent leurs personnages
par la douceur des gommes- Ils ne déchirent que des brouillons.
Ils savent bien que les émotions ou les rires de leurs livres ne
donnent ni à manger, ni à guérir, ne rendent pas automatiquement
la justice. Mais ils savent aussi que toute littérature a besoin
de lecteurs bien vivants et vivant en paix. Leur
témoignage de papier et d'encre déclare la guerre à la guerre, celle
qui tue tous les enfants, ceux qui le sont encore comme ceux qui
le furent. Pef
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