1 Un début...
La
séance a commencé par l'analyse de cette "phrase"
"Ami,
entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines?"
Ami, entends tu |
le vol noir des
corbeaux |
sur nos plaines?
|
On
s'adresse à un copain,
à
quelqu'un à qui on se confie,
à
quelqu'un avec qui on partage des choses, avec qui on est d'accord.
Avec
qui on se sent bien quand on n'est pas bien.
|
Noir:
c'est la tristesse.
La
nuit, C'est l'image de la mort.
C'est
l'image de l'hiver, tout est froid, la mort plane.
Il y a
beaucoup de corbeaux: l'impression d'un massacre.
Les
corbeaux veulent peut-être dire quelque chose: Ben Laden
et l'attentat du 11 septembre?
|
Nos
plaines: c'est plat, il n'y a plus rien.
l'hiver,
le noir, la plaine: l'impression de désastre.
Nos:
cela veut peut-être dire que c'est chez nous, que quelque chose nous
menace.
Ca
parle de la guerre?
Ca
dépend quand cette phrase a été écrite.
C'est
un poème! parce que cette phrase ressemble à un vers.
|
Ensuite
nous avons lu le poème:
Chant
des partisans
Maurice
Druon & Joseph Kessel 1944
Ami,
entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami,
entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ?
Ohé,
partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme.
Ce
soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.
Montez
de la mine, descendez des collines, camarades !
Sortez
de la paille les fusils, la mitraille, les grenades !
Ohé,
les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !
Ohé,
saboteur, attention à ton fardeau : dynamite...
C'est
nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères,
La
haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il
y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves ;
Ici,
nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève.
Ici
chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe ;
Ami,
si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place ;
Demain
du sang noir séchera au grand soleil sur les routes ;
Chantez,
compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute.
|
Pour
en parler nous nous sommes mis en groupe de parole et groupe d'écoute.
Nous avons commenté ce poème en essayant d'abord de confirmer ou d'infirmer
nos hypothèses sur le premier vers. Ensuite nous avons essayé d'en repérer la
construction, les buts et l'écriture.
Voici
une synthèse rapide de notre travail.
"Ce
poème est une texte de combat: d'abord il alerte celui qui le lit ou l'écoute.
Ensuite il incite à la révolte et à la résistance, enfin il affirme l'espoir
malgré la mort.
Le
vocabulaire utilisé est très simple et appartient à un même champ
lexical, celui de la guerre et de la mort.
La
langue est elle aussi très simple, comme si elle devait être comprise par tout
le monde ( le nous et le on) . Ce texte ressemble donc à un tract politique qui
incite à la révolte."
D'ailleurs
nous avons essayé de le transformer en tract qui aurait pu être rédigé par les FFI.
Voici
un exemple de cette transposition.
Camarade,
Patriote!
Notre
pays est envahi par la horde nazie!
Notre
pays souffre de cette occupation abominable!
Révoltons
nous!
Paysans,
partisans et ouvriers: révoltons nous!
Que
ces monstres sanguinaires soient chassés!
Sortons
de nos mines, de nos maisons, de nos montagnes et de nos rues!
Rassemblons
nos armes, nos fusils, nos mitraillettes et nos grenades!
Tuons!
Sabotons
les trains et les usines!
Libérons
nos camarades prisonniers
et
nous retrouverons la PAIX.
Soyons
partout , toujours plus nombreux, même si nous devons en mourir!
C'est
le prix de notre victoire et celui de leur défaite.
Vive
la liberté!
Vive
la France libre.
FFI
|
Voici
le commentaire qu'un groupe a rédigé.
"Nous
nous sommes aperçus que l'on pouvait garder beaucoup de mots. ( mitraille,
fusil, paysans, ouvriers etc.) Tous ces mots renvoient à la réalité de
la guerre.
Nous
avons par contre transformé certains vers trop " poétiques".
L'image des "corbeaux" a été remplacée par le mot
"Nazis". L'image "des pays qui rêvent", en pays où on vit
libre. ( ...)
Dans
un tract politique on ne lit pas des figures de style qui appartiennent au genre
poétique.(...)
Mais
on s'est aperçu que le poème est malgré tout, très proche de la prose
politique. Mais les vers, le rythme et la musique de la chanson le rendent
plus violent et plus efficace..."
2
Le poème et l'histoire.
Pour
comprendre le contexte historique du poème, nous devions regarder une émission de
la Cinquième
sur "les refrains de la mémoire", mais le magnétoscope était en
panne. Nous avons dû nous contenter de la critique de cette émission parue dans
le Nouvel Observateur. Nous l'avons transformée en fiche documentaire sur le
texte . Pour compléter l'enquête, nous avons cherché des documents et
des images dans nos livres d'histoire.
Chant Magnétique.
«
Ami entends-tu le vol noir
des corbeaux sur nos plaines
Ami entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne... »
Tout
le monde connaît « le Chant des partisans », devenu l'hymne
de la Résistance au cours de la Seconde Guerre mondiale. Un
chant comme un manifeste, fredonné à mi-voix ou clamé à pleins
poumons dans une France à genoux. Un chant écrit dans la fièvre.
Depuis
juin 40, Paris est occupée. On les a beaucoup vues, ces images
d'une ville bardée de panneaux allemands, envahie de soldats,
et parcourue par des hordes de bicyclettes, quelques rares voitures
et des tanks. Selon l'historien Henri Amouroux, « au fil
des mois, la vie quotidienne des Parisiens devient de plus en
plus difficile car les restrictions sont de plus en plus nombreuses
». Certains adolescents résistent à leur manière, prenant
le contre-pied de tout ce qui est interdit : les zazous. «
C'est un mouvement plutôt spontané, qui se fédère dans quelques
cafés du quartier Latin
ou des Champs-Elysées, explique le journaliste Jean-Claude
Loiseau. Très vite, dans la presse collabo, les zazous deviennent
l'incarnation du mal. »
«
Les Français ont mis quand même pas mal de temps à se réveiller
avant de réaliser qu'on pouvait faire autre chose que de rester
inactif et de subir, note pour sa part Pierre Lefranc, fondateur
de l'Institut Charles-de-Gaulle. Les mouvements de Résistance
se sont tissés de personne à personne, c'était le seul moyen
: on ne pouvait pas mettre une annonce dans les journaux ! Tout
ça était fait dans l'improvisation, et les règles de sécurité
n'étaient pas vraiment observées. »
C'est
face à un pays déchiré, donc, que Maurice Druon et Joseph Kessel
s'attellent à l'écriture d'un chant patriotique, sur une musique
d'Anna Marly. « On s'était interrogés, se souvient Maurice
Druon. Qu'y avait-il eu, en France, comme chants de résistance,
comme chants de clandestins ? Les Chouans ! » En 1793, le
chant de ces paysans révolutionnaires débutait ainsi : «
Entends-tu le cri sourd du hibou sur nos plaines... » « II nous
a semblé que le hibou était un trop bel oiseau pour la Gestapo
et les SS, poursuit Maurice Druon. Alors nous avons pensé
au corbeau... Nous écrivions un chant pour nos camarades connus
et inconnus, et nous voulions que ça soit leur âme qui passe.
Nous cherchions les mots les plus simples, pour qu'ils puissent
être entendus de tous. A la fin de l'après-midi, le chant était
achevé. »
Chaque
soir, à travers le brouillage, Radio Londres envoie ses paroles
d'espoir vers la France, en particulier les messages personnels
adressés à leurs proches par des résistants signifiant ainsi
qu'ils sont bien arrivés à destination : « Le sanglier se
porte gentiment » ; « Le cheval bleu se promène sur l'horizon.»
De même, avec une emphase démodée, les voix de la liberté -
sur lesquelles ce documentaire met un visage -exhortent les
Français à se battre : « L'espérance doit l'emporter sur
l'impatience, et la certitude prévaloir sur la douleur. »
«
Nous nous demandions ce que Radio Londres apportait en France,
se
souvient Maurice Druon. C'était la question permanente :
est-ce que nous sommes entendus ? Est-ce que ça a une influence
? » Mais c'est une autre question, plus cruciale encore,
que se pose un autre intervenant : « Que se serait-il passé
si de Gaulle n'avait pas eu la radio ?... »
Images
archiconnues encore que celles de la Libération de Paris, sous
le radieux soleil d'août, avec ces jeunes filles juchées sur
des chars, les tireurs embusqués, la liesse populaire, de Gaulle
défilant, impérial, et « le Chant des Partisans » en
fond sonore. Maurice Druon : « II a été chanté dans les prisons.
Les passeurs le sifflaient pour signaler aux clandestins que
la voie était libre. Et j'ai su que des condamnés à mort l'avaient
chanté face au peloton d'exécution, et qu'il leur avait été
tranché dans ta gorge. J'ai toujours pensé que le chant appartenait
à ceux qui l'avaient chanté sous l'Occupation, et plus à ses
auteurs.»
Un
document au final un peu décevant. On attendait davantage de
cette chanson historiquement essentielle. Mais c'est le propre
de cette série que d'être inégale. Elle a au moins un mérite
: celui de nous rappeler que les chansons sont les rides de
l'âme, et les bornes de notre mémoire.
•
R.Cannavo . Le Nouvel Observateur
Série
documentaire « les Refrains de la mémoire » : « le Chant des
partisans»
|
3
Le poème aujourd'hui
Catherine
Ribeiro et Zebda
chantent encore aujourd'hui ce poème. Pourquoi?
Sans
doute d' abord pour rendre hommage aux combattants contre le fascisme
mais aussi pour inviter les gens à la " vigilance".
Le " vol noir des corbeaux " peut représenter, aujourd'hui,
les fascistes ou les racistes qui "salissent" notre société.
Ces artistes sont donc des révoltés qui nous incitent à refuser les Et
lutter pour la liberté aujourd'hui , c'est exiger le respect de
chacun.
D'ailleurs si Catherine Ribeiro garde le
texte dans son intégralité, Zebda supprime
les passages qui appellent au terrorisme.
Pourtant le groupe toulousain rajoute un refrain qui " actualise"
le poème et le situe dans un combat contre les puissants et les
dictateurs de tout bord.
(
On trouve la chanson dans le disque " motivés" avec d'autres
textes engagés)
Voici
la version de Zebda
Spécialement dédicacé
à tous ceux qui sont motivés
Spécialement dédicacé à tous ceux qui ont résisté, par le passé
Ami entends tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines
Ami entends tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne
Ohé, partisans ouvriers et paysans c'est l'alarme
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes
Refrain
Motivés, motivés
Il faut rester motivés !
Motivés, motivés
Il faut se motiver !
Motivés, motivés
Soyons motivés !
Motivés, motivés
Motivés, motivés !
C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère
Il est des pays où les gens au creux des lits font des rêves
Chantez compagnons, dans la nuit la liberté vous écoute
Refrain
Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe
Ami si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place
Ohé, partisans ouvriers et paysans c'est l'alarme
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes
Refrain
On va rester motivé pour le face à face
On va rester motivé quand on les aura en face
On va rester motivé, on veut que ça se sache
On va rester motivé...
Refrain
On va rester motivé pour la lutte des classes
On va rester motivé contre les dégueulasses
Motivés, motivés...
|
4 Poèmes de guerre
et de liberté
Enfin, nous avons lu et travaillé sur le poème de Paul Eluard. Nous l'avons
comparé au chant du partisan et nous l'avons trouvé beaucoup moins
" violent". Chaque groupe a choisi trois ou quatre strophes
et a essayé d'expliquer pourquoi il faisait ce choix. Les uns ont choisi
les strophes qui "parlent d'amour",
d'autres de "l'enfance" d'autres
" de la souffrance et de la guerre",
d'autres enfin ont choisi "les strophes qui
parlent d'une nature merveilleuse". En conclusion on a découvert
que le poète est comme un Dieu qui nomme la "liberté"
pour qu'elle existe.
Pour terminer chacun a essayé d'écrire quatre vers, sur le modèle de ceux
d'Eluard, pour exprimer la liberté aujourd'hui.
Liberté
Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids et les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom
|
Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes mains réunies
J'écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté…
Paul Éluard (1895 -1952) Poésie
et Vérité, 1942,
|
L'affiche
rouge
Louis Aragon, Le Roman inachevé,
1956
Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont
survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple
allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les
roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi
souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des
choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la
colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas
triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un
enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant
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