Richard
Matheson est un de ces hommes qui ont fait le fantastique
d’aujourd’hui. Nombres de ses nouvelles restent terriblement
actuelles comme Journal d’un monstre publiée pourtant en 1956.
Elle a influencé de nombreux auteurs et a contribué d’une certaine
façon a faire sortir Matheson de ce genre littéraire. Aujourd’hui,
il arrive même que son roman Je suis une légende soit programmé
par certains professeurs de français. Nous avons rencontré Richard
Matheson au festival Etonnants Voyageurs de St Malo au début du mois de
mai 2000.
Première
question un petit peu banale, on a du vous la poser des centaines de
fois, qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?
Richard
Matheson :
Je pense que certaines personnes naissent avec un tempérament créatif,
ce qui était mon cas. Il y en a qui ont la volonté de créer dans
n’importe quel domaine mais cela demande parfois du matériel. La
musique par exemple demande des instruments. Pareil si vous voulez être
peintre, il faut des pinceaux, de la peinture, des toiles... Moi
j’avais douze ans quand ce tempérament s’est révélé et à ce
moment-là je n’avais qu’une machine à écrire à disposition, donc
je suis devenu écrivain. J’ai créé avec ce que j’avais sous la
main.
En
1956 vous avez publié votre première nouvelle professionnelle, Journal
d’un monstre. Elle a eu un succès énorme et a fait couler beaucoup
d’encre. Pouvez-vous nous raconter comment s’est passée cette première
aventure dans l’écriture ?
Richard Matheson : Quand on démarre dans le domaine de la
Science-Fiction ou de la fantasy, la grande question c’est " What
if ", " Qu’est-ce qui se passe si ". Mon idée
c’était : " Qu’est-ce qui se passerait si dans une
famille de gens normaux naissait un véritable monstre ".
Quand j’ai écrit cette histoire, j’étais célibataire, je n’étais
pas encore marié, je n’avais pas d’enfant et c’est pour ça que
j’ai pu écrire cette histoire. Avec le recul, jamais je n’aurais pu
écrire une telle nouvelle en ayant connu la vie de famille. Il est bien
certain qu’un enfant comme ça, on ne l’aurait pas laissé vivre ou
on l’aurait mis dans une institution. On ne l’aurait certainement
pas forcé à vivre dans une cave comme dans la nouvelle. C’est donc
parce que j’étais jeune et que j’ignorais tout des solutions que
l’on aurait pu apporter que j’ai pu écrire cette histoire.
J’avais 23 ans et comme je n’avais aucun sens des réalités
pratiques, ça m’a semblé une bonne idée, tout simplement.
Cette nouvelle a eu beaucoup de succès, certains auteurs ont même
dit qu’elle avait été une véritable découverte pour eux. Comment
cela a-t-il déclenché votre carrière ?
Richard Matheson : Quand on écrit une histoire, on ne connaît
jamais l’impact qu’elle peut avoir et j’en ai été le premier
surpris. Des années après, on m’en parle toujours comme de certains
épisodes de Twiling Zone. Ca revient sans cesse mais ça ne se contrôle
pas. Je suis étonné de voir que c’est devenu une espèce de
classique incontournable. Le fait que je me sois mis dans la peau du
monstre, que j’ai parlé à la première personne, a certainement joué.
C’est peut-être ça qui a eu le plus d’impact. C’est aussi ce qui
correspond à mon écriture. J’écris souvent à la première personne
parce que j’ai besoin de m’identifier au personnage dont je raconte
l’histoire.