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Roal
Dhal
Sacrées sorcières
Le
lendemain soir, après mon bain. Grand-mère m'emmena dans la salle de séjour
pour me raconter la suite.
-
Aujourd'hui, commença Grand-mère, je vais t'apprendre les détails qui permettent
de reconnaître une sorcière.
-
A coup sûr ? demandai-je.
-
Pas vraiment, répondit-elle. C'est bien là le problème. Mais cela pourra t'être
utile.
Elle
laissa tomber les cendres de son cigare sur sa robe, et j'espérai qu'elle ne
prendrait pas feu avant de m'avoir fait ses révélations.
-
D'abord, dit-elle, une sorcière porte des gants.
-
Pas toujours, dis-je. Pas en été, lorsqu'il fait chaud.
-
Même en été, dit Grand-mère. Elle doit porter des gants. Veux-tu
savoir pourquoi ?
-
Bien sûr, répondis-je.
-Parce
qu'une sorcière n'a pas d'ongles. Elle a des griffes, comme un chat, et elle
porte des gants pour les cacher. Remarque que beaucoup de femmes portent des
gants, surtout en hiver. Donc, ce détail est insuffisant.
-
Maman portait des gants, dis-je.
- Pas à la maison, dit Grand-mère.
Les sorcières portent des gants, même chez elles. Elles ne les enlèvent que
pour aller dormir.
-
Comment sais-tu tout ça. Grand-mère ?
-
Ne m'interromps pas sans cesse, dit-elle. Écoute-moi jusqu'au bout. Ensuite
une sorcière est toujours chauve.
-
Chauve ! m'exclamai-je.
-
Chauve comme un œuf, poursuivit Grand-mère. Quel choc ! Une femme chauve, cela
ne court pas les rues !
-
Pourquoi sont-elles chauves. Grand-mère ?
-
Ne me demande pas pourquoi, répliqua-t-elle. Mais tu peux me croire. Aucun cheveu
ne pousse sur la tête d'une sorcière.
-
C'est horrible !
-
Répugnant ! dit Grand-mère.
-
Si les sorcières sont chauves, dis-je, il est facile de les démasquer.
-
Pas du tout, répliqua Grand-mère. Une sorcière porte toujours une perruque,
une perruque de première qualité. Il est a peu près impossible de distinguer
sa perruque de véritables cheveux. A moins de lui tirer les cheveux !
-
C'est ce que je ferai !
-
Ne sois pas idiot, dit Grand-mère. Tu ne peux pas tirer les cheveux de toutes
les femmes que tu rencontres, même si elles portent des gants ! Essaie, et tu
verras ce qui t'arrivera.
-
Alors, ce que tu m'apprends ne peut pas me servir, dis-je.
-
Aucun de ces détails n'est suffisant, dit Grand-mère. Mais si tu remarques ces
deux détails réunis chez la même femme, c'est sûrement une sorcière. Remarque
que le port de cette perruque pose un sérieux problème.
-
Quel problème ? demandai-je.
-
Une irritation de la peau, répondit-elle. Si une actrice porte une perruque,
elle la met sur ses cheveux, comme toi ou moi. Mais une sorcière pose directement
sa perruque sur son cuir chevelu. Le dessous d'une perruque est toujours rugueux.
Ce qui donne une affreuse démangeaison. Les sorcières appellent cela la gratouille de la perruque. Et il ne s'agit pas d'une mince gratouillette.
-
Y a-t-il d'autres trucs pour reconnaître une sorcière ?
-
Oui, répondit Grand-mère. Observe les narines. Les sorcières ont des narines
plus larges que la plupart des gens. Le bord de leurs narines est rosé et recourbé,
comme celui d'une coquille Saint-Jacques.
-
Pourquoi ont-elles de si larges narines ? demandai-je.
-
Pour mieux sentir, répondit Grand-mère. Une sorcière a un flair stupéfiant.
Elle peut flairer un enfant qui se trouve de l'autre côté de la rue, en pleine
nuit.
-
Elle ne pourrait pas me sentir, dis-je. Je viens de prendre un bain !
-
Détrompe-toi ! s'écria Grand-mère. Un enfant propre sent horriblement mauvais
pour une sorcière. Plus tu es sale, moins elle te sent.
-
C'est absurde...
-
Mais pourtant vrai, dit Grand-mère. Ce n'est pas la saleté
que sent la sorcière, mais la propreté
! L'odeur de la peau d'un enfant dégoûte la sorcière. Cette odeur suinte par
vagues. Ces vagues puantes, comme
disent les sorcières, flottent dans l'air et viennent frapper leurs narines
comme une gifle, ce qui les fait tituber !
-
Ecoute-moi, Grand-mère...
-
Ne m'interromps pas, dit-elle. C'est ainsi. Si tu ne t'es pas lavé pendant une
semaine, ta peau est sale. Alors, évidemment, les vagues puantes ne suintent
pas avec autant de force.
-
Je ne prendrai plus de bains, décidai-je, aussitôt.
-
N'en prends pas trop souvent, dit Grand-mère. Un bain par mois, c'est bien suffisant
pour un enfant.
C'est
à ces moments-là que j'aimais le plus Grand-mère.
-
Grand-mère, dis-je. S'il fait nuit noire, comment une sorcière sent-elle la
différence entre une grande personne et un enfant ?
-
Parce que la peau des adultes ne sent pas mauvais, répondit-elle. Seulement,
la peau des enfants.
-
Mais moi, est-ce que j'empeste ?
-
Pas pour moi, répondit Grand-mère. Pour moi, tu sens la fraise à la crème. Mais
pour une sorcière, ton odeur est dégoûtante.
-
Qu'est-ce que je sens ? demandai-je.
-
Le caca de chien, répondit Grand-mère.
-
Le caca de chien ! criai-je, complètement abasourdi. Mais ce n'est
pas vrai !
-
Il y a pire, ajouta Grand-mère avec une pointe de malice. Pour une sorcière,
tu sens le caca de chien tout fumant !
-
C'est archifaux ! m'écriai-je. Je ne sens pas le caca de chien, fumant ou non
!
-
C'est un fait, dit Grand-mère. Inutile d'en discuter.
J'étais
révolté. Je n'arrivais pas à croire ce que venait d'affirmer Grand-mère.
-
Si tu vois une femme se boucher le nez en te croisant dans la rue, ajouta-t-elle,
c'est sûrement une sorcière.
-
Dis-moi vite un autre détail pour repérer une sorcière, demandai-je, voulant
changer de sujet.
-
Les yeux, dit Grand-mère. Observe bien les yeux. Les yeux d'une sorcière sont
différents des tiens ou des miens. Regarde bien la pupille toujours noire chez
les gens. La pupille d'une sorcière sera colorée et tu y verras danser des flammes
et des glaçons ! De quoi te donner des frissons !
Grand-mère,
satisfaite, s'enfonça dans son fauteuil, et rejeta une bouffée de son cigare
qui empestait. Moi, j'étais assis à ses pieds, la regardant, fasciné. Elle ne
souriait pas, elle avait l'air très sérieuse.
-
Y a-t-il d'autres détails ? demandai-je.
-
Oui, bien sûr, dit Grand-mère. Tu ne sembles pas très bien comprendre que les
sorcières ne sont pas de vraies femmes ! Elles ressemblent à des femmes. Elles
parlent comme des femmes. Elles agissent comme des lemmes. Mais ce ne sont pas
des femmes! En réalité, ce sont des créatures d'une autre espèce, ce sont des
démons déguisés en femmes. Voilà pourquoi elles ont des griffes, des crânes
chauves, des grandes narines et des yeux de glace et de feu. Elles doivent cacher
tout cela, pour se faire passer pour des femmes.
-
Y a-t-il d'autres trucs pour les démasquer. Grand-mère ? répétai-je.
-
Les pieds, dit-elle. Elles n'ont pas d'orteils.
-
Pas d'orteils ! m'écriai-je. Mais qu'est-ce qu'elles ont à la place ?
-
Rien, répondit Grand-mère. Elles ont des pieds au bout carré, sans orteils.
-
Marchent-elles avec difficulté ? demandai-je.
-
Un peu, répondit Grand-mère. Elles ont quelques problèmes avec les chaussures.
Toutes les femmes aiment porter de petits souliers pointus, mais une sorcière,
dont les pieds sont très larges et carrés, éprouve un véritable calvaire pour
se chausser.
-
Pourquoi ne portent-elles pas des souliers confortables au bout carré ?
-
Elles n'osent pas, répondit Grand-mère. De même qu'elles cachent leur calvitie
sous des perruques, les sorcières cachent leurs pieds carrés dans de jolies
chaussures pointues.
-
Ce doit être terriblement inconfortable, dis-je.
-
Extrêmement inconfortable, dit Grand-mère. Mais elles les portent quand même.
-
Donc, ce détail-là ne m'aidera pas à reconnaître une sorcière ? dis-je.
-
En effet ! soupira Grand-mère. Tu peux, si tu es très attentif, reconnaître
une sorcière, parce qu'elle boite légèrement.
-
Est-ce qu'il y a d'autres détails. Grand-mère ?
-
Oui, il y a un détail de plus, répondit Grand-mère. Un dernier détail. La salive
d'une sorcière est bleue.
-
BIeue ! m'écriai-je. C'est impossible ! Aucune salive n'est bleue.
-
Bleu myrtille ! précisa-t-elle.
-
C'est absurde! Grand-mère. Aucune femme n'a la salive bleu myrtille !
-
Si, les sorcières ! répliqua-t-elle.
-
Bleue comme de l'encre ? demandai-je.
-
Exactement, dit-elle. Elles utilisent des porte-plume et elles n'ont qu'à lécher
la plume pour écrire !
-
Si une sorcière me parlait, je pourrais voir cette salive bleue. Grand-mère,
oui ou non ?
-
Seulement si tu regardes attentivement, répondit-elle. Très attentivement. Tu
pourrais voir un peu de bleu sur leurs dents. Mais cela ne se voit presque pas.
-
Et si elle crache ? demandai-je.
-
Les sorcières ne crachent jamais, répondit Grand-mère. Elles n'osent pas.
Je
ne pouvais pas croire que Grand-mère était en train de me raconter des bobards.
Elle allait à la messe tous les matins, et récitait le bénédicité avant chaque
repas. Une personne si chrétienne ne ment jamais. Je finissais par croire tout
ce qu'elle m'avait appris, mot pour mot.
-
Voilà, dit Grand-mère. C'est tout ce que je peux te donner comme renseignements
sur les sorcières. Cela t'aidera un peu. On ne peut jamais être absolument sûr
qu'une femme n'est pas une sorcière, juste au premier coup d'œil. Mais si une
femme porte des gants et une perruque, si elle a de grandes narines et des yeux
de
glace
et de feu, et si ses dents sont légèrement teintées de bleu... alors, file à
l'autre bout du monde !
(Kirikou
, un bébé minuscule s'est caché dans le chapeau de son oncle.)
kirikou
— Oh,
encore un peu! Je suis bien. Je vois tout le paysage à travers les petits trous.
l'oncle
— Tu
dois me laisser. Ce qui va se passer n 'est pas pour les enfants.
L'oncle
reprend sa marche.
—
Et tu vas me gêner
au moment où je risque ma vie.
kirikou
— Trop
tard !
L'oncle,
effaré, regarde devant lui. Des brumes se déchirent et s'ouvrent sur une case
colossale, qui se dresse comme une montagne de ténèbres dans le désert gris.
Des fétiches menaçants l'entourent. Tout en haut de son immense toit de paille
noire se trouve un fétiche-guetteur, qui surveille tout de ses gros yeux rouges,
et qui s'écrie :
—
Maîtresse vénérée,
un homme approche !
Tous les fétiches autour de la case, avec des voix caverneuses, entonnent le chant de l'Arrivée de Karaba :
Tremblez
d'effroi,
Tremblez
de joie,
Elle
approche,
Elle
est là !
Tremblez
de joie,
Tremblez
d'effroi
Car
voici KA-RA-BA !
Au
mot de KARABA, un immense masque grimaçant se partage en deux, écrase les fétiches-portiers,
et laisse voir Karaba la Sorcière dressée sur le pas de sa porte, devant un
fond palpitant et rouge comme l'enfer. Elle est magnifique, vêtue de pagnes
éclatants et de bijoux d'or, ses yeux sont jaunes comme ceux d'une panthère,
ses cheveux sont hérissés comme le soleil noir de la méchanceté. Elle toise
l'oncle et dit d'une voix méprisante :
-
l'oncle
— Quel
est ton prix pour épargner notre village, pour arrêter de nous assoiffer, de
nous rançonner et de nous tuer ?
la
sorcière — Comment
oses-tu te plaindre? Vous avez un marigot près de chez moi, vos femmes ont encore
quelques bijoux cachés dans leurs cases, et tu es toujours vivant...
Pendant
que la Sorcière parle avec hauteur, un fétiche armé d'une lance s'approche silencieusement
de l'oncle par-derrière. Mais Kirikou surveille à travers les petits trous du
chapeau, voit le danger et prévient son oncle à voix basse :
-
L'oncle se retourne au moment où la lance part, elle vient se ficher dans le bouclier. L'oncle balaie le fétiche d'un coup de sa lance. Un tintamarre retentit. C'est un autre fétiche, couvert de ferraille assourdissante, qui arrive par la gauche. L'oncle fait face, et ne voit pas un nouveau fétiche-tueur qui se glisse en silence par l'autre côté et va le transpercer.
kirikou
— Non,
oncle, à droite !
L'oncle
se retourne à temps, abat l'un, puis l'autre.
kirikou,
à l'abri
dans le chapeau, apprécie le spectacle — Excellent...
La Sorcière grogne. D'un geste bref elle arrête l'attaque des fétiches.
Michel Ocelot
II
y avait une fois, dans le quartier des Gobelins, à Paris, une vieille sorcière,
affreusement vieille, et laide, mais qui aurait bien voulu passer pour la plus
belle fille du monde !
Un
beau jour, en lisant le Journal des sorcières, elle tomba sur le communiqué suivant :
MADAME
Vous qui
êtes VIEILLE et laide Vous deviendrez
jeune et jolie
!
Et pour
cela
:
MANGEZ
UNE PETITE FILLE
à la sauce tomate !
Et
plus bas, en petites lettres :
Attention
! Le prénom de cette petite fille devra obligatoirement commencer par la lettre
N !
Or
il y avait, dans ce même quartier, une petite fille qui s'appelait Nadia. C'était
la fille aînée de Papa Saïd (je ne sais pas si vous connaissez) qui tenait l'épicerie-buvette
de la rue Broca.
-
Il faut que je mange Nadia, se dit la sorcière.
Un
beau jour que Nadia était sortie pour aller chez le boulanger, une vieille dame
l'arrêta :
-
Bonjour, ma petite Nadia !
-
Bonjour, Madame !
-
Veux-tu me rendre un service ?
-
Lequel ?
-
Ce serait d'aller chercher pour moi une boîte de sauce tomate chez ton papa.
Cela m'éviterait d'y aller, je suis si fatiguée !
Nadia,
qui avait bon cœur, accepta tout de suite. Sitôt qu'elle fut partie, la sorcière
— car c'était elle — se mit à rire en se frottant les mains :
-Oh
! que je suis maligne ! disait-elle. La petite Nadia va m'apporter elle-même
la sauce pour la manger!
Une
fois rentrée chez elle avec le pain, Nadia prit sur le rayonnage une boîte de
sauce tomate, et elle se disposait à repartir, lorsque son papa l'arrêta :
-
Et où vas-tu, comme ça ?
-
Je vais porter cette boîte de sauce tomate à une
vieille dame qui me l'a demandée.
-
Reste ici, dit Papa Saïd. Si ta vieille dame a besoin de quelque chose, elle
n'a qu'à venir elle-même.
Nadia,
qui était très obéissante, n'insista pas. Mais le lendemain, en faisant les
courses, elle fut, pour la seconde fois, arrêtée par la vieille :
-
Eh bien,
Nadia ? Et ma sauce tomate ?
-
Je m'excuse, dit Nadia, toute rougissante, mais mon papa n'a pas voulu. Il dit
que vous veniez vous-même.
-
C'est bon, dit la vieille, j'irai. Le jour même en effet, elle entrait dans
l'épicerie :
-
Bonjour, monsieur Saïd.
-
Bonjour, Madame. Vous désirez ?
-
Je voudrais Nadia. - Hein ?
-
Oh, pardon ! Je voulais dire : une boîte de sauce tomate.
-
Ah, bon ! Une petite ou une grande ?
-
Une grande, c'est pour Nadia... - Quoi ?
-
Non, non ! Je voulais dire : c'est pour manger des spaghetti...
-
Ah, bien ! Justement, j'ai aussi des spaghetti...
-
Oh, ce n'est pas la peine, j'ai déjà Nadia...
-
Comment ?
-
Excusez-moi, je voulais dire : les spaghetti, je les ai déjà chez moi...
-
En ce cas... voici la boîte. La vieille prit la boîte, la paya, puis, au lieu
de partir, se mit à la soupeser :
-
Hum ! C'est peut-être un peu lourd... Est-ce que vous ne pourriez pas...
-
Quoi ?
-
Envoyer Nadia la porter chez moi ? Mais Papa Saïd se méfiait.
-
Non, Madame, nous ne livrons pas à domicile. Quant à Nadia, elle a autre chose
à faire. Si cette boîte est trop lourde pour vous, eh bien, tant pis, vous n'avez
qu'à la laisser !
-
C'est bon, dit la sorcière, je l'emporte. Au revoir, monsieur Saïd !
-
Au revoir, Madame ! Et la sorcière s'en fut, avec la boite de sauce tomate.
Une fois rentrée chez elle, elle se dit :
-
J'ai une idée : demain matin, je vais aller rue Mouffetard, et je me déguiserai
en marchande. Lorsque Nadia viendra faire les courses pour ses parents, je l'attraperai.
Le
lendemain, elle était rue Mouffetard, déguisée en bouchère, lorsque Nadia vint
à passer.
-
Bonjour, ma petite fille. Tu veux de la viande ?
-
Ah non, Madame, je viens acheter un poulet. — Zut ! pensa la sorcière.
Le
lendemain, elle se déguisait en marchande de volaille.
-
Bonjour, petite. Tu m'achètes un poulet ?
-
Ah non. Madame. Aujourd'hui je veux de la viande.
-
Crotte ! pensa la sorcière. Le troisième jour, déguisée à nouveau, elle vendait
à la fois de la viande et de la volaille.
-
Bonjour, Nadia, bonjour ma petite fille ! Qu'est-ce que tu veux ? Tu vois, aujourd'hui,
je vends de tout : du bœuf, du mouton, du poulet, du lapin...
-
Oui, mais moi, je veux du poisson !
-
Flûte !
Rentrée
chez elle, la sorcière réfléchit, réfléchit, puis elle eut une nouvelle idée
:
-Eh
bien, puisque c'est comme ça, demain matin, je deviendrai, à moi toute seule,
toutes les marchandes de la rue
Mouffetard !
Et
en effet, le jour suivant, toutes les marchandes de la rue Mouffetard (il y
en avait exactement 267), c'était elle.
Nadia
vint, comme à l'ordinaire, s'approcha sans méfiance d'un éventaire de légumes
pour acheter, cette fois, des haricots verts, et elle allait payer quand la
marchande la saisit par le poignet, l'enleva et hop ! l'enferma dans le tiroir-caisse.
Mais heureusement Nadia avait un petit frère, qui s'appelait Bachir. Voyant
que sa grande sœur ne rentrait pas, Bachir se dit :
-C'est
sûrement la sorcière qui l'a prise, il faut que j'aille la délivrer.
Il
prit sa guitare à la main, et s'en fut rue Mouffetard. En le voyant arriver,
les 267 marchandes (qui étaient la sorcière) se mirent à crier :
-
Où vas-tu comme ça, Bachir ? Bachir ferma les yeux et répondit :
-
Je suis un pauvre musicien aveugle et je voudrais chanter une petite chanson
pour gagner quelques sous.
-
Quelle chanson ? demandèrent les marchandes.
-
Je veux chanter une chanson qui s'appelle : Nadia,
où es-tu ?
-Non,
pas celle-là ! Chantes-en une autre !
-Mais
je n'en sais pas d'autre !
-Alors,
chante-la tout bas !
-
C'est entendu ! Je chanterai tout bas ! Et Bachir se mit à chanter tout haut
:
Nadia,
où es-tu ?
Nadia,
où es-tu ?
Réponds,
que je t'entende!
Nadia,
où es-tu ?
Nadia,
où es-tu ?
Car
je ne te vois plus !
-
Moins fort ! Moins fort ! crièrent les 267 marchandes. Tu nous casses les oreilles
! Mais Bachir continuait de chanter :
Nadia,
où es-tu ?
Nadia,
où es-tu ?
Quand
tout à coup une petite voix lui répondit :
Bachir,
Bachir, délivre-moi
Ou
la sorcière me tuera !
En
entendant ces mots, Bachir ouvrit les yeux, et les 267 marchandes sautèrent
sur lui en criant :
-
C'est un faux aveugle ! C'est un faux aveugle !
Mais
Bachir, qui était courageux, brandit sa petite guitare et assomma d'un coup
la marchande la plus proche. Elle tomba raide, et les 266 autres tombèrent en
même temps qu'elle, assommées elles aussi.
Alors
Bachir entra dans toutes les boutiques, l'une après l'autre, en chantant :
Nadia,
où es-tu ?
Nadia,
où es-tu ?
Pour
la seconde fois, la petite voix lui répondit :
Bachir,
Bachir, délivre-moi
Ou
la sorcière me tuera !
Cette
fois, il n'y avait plus de doute : la voix venait de chez la marchande de légumes.
Bachir sauta dans la boutique par-dessus l'étalage, au moment même où la marchande,
sortant de son évanouissement, ouvrait un œil. Et en même temps qu'elle, les
266 autres ouvraient également l'œil. Heureusement, Bachir s'en aperçut et,
d'un coup de guitare bien appliqué, il les rendormit pour quelques minutes.
Ensuite,
il essaya d'ouvrir le tiroir-caisse, cependant que Nadia continuait à chanter
:
Bachir,
Bachir, délivre-moi
Ou
la sorcière me tuera !
Mais
le tiroir était trop dur, cela n'avançait pas. Nadia chantait, et Bachir travaillait,
et pendant ce temps les 267 marchandes se réveillaient. Mais cette fois-ci,
elles se gardaient bien d'ouvrir les yeux ! Elles restaient les yeux fermés,
au contraire, et elles s'approchaient en rampant de la boutique où Bachir travaillait,
afin de le cerner. Comme Bachir, épuisé, ne savait plus que faire, il vit passer
un grand marin , tout jeune et très costaud, qui descendait la rue.
-
Bonjour, marin. Veux-tu me rendre un service? - Lequel ?
-
Ce serait de porter ce tiroir-caisse jusque chez nous. Ma sœur est enfermée
dedans.
-
Et qu'est-ce que j'aurai, comme récompense ?
-
Tu auras l'argent, et moi j'aurai ma sœur.
-
D'accord !
Bachir
souleva le tiroir-caisse, et allait le passer au marin, quand la marchande de
légumes, qui s'était approchée tout doucement, l'attrapa par un pied et se mit
à glapir :
-Ah
brigand, je te tiens !
Bachir
perdit l'équilibre, et laissa échapper le tiroir-caisse. Celui-ci, qui était
très lourd, tomba en plein sur la tête de la marchande et, de ce coup-là, les
267 marchandes eurent, toutes en même temps, le crâne fracassé, ouvert, avec
toute la cervelle qui sortait. Cette fois, la sorcière était morte, et bien
morte.
Ce
n'est pas tout : sous le choc, le tiroir s'ouvrit, et Nadia en sortit.
Elle embrassa son petit frère, le remercia, et tous deux retournèrent chez leurs parents, pendant que le marin ramassait, dans le sang, l'argent de la sorcière.
Pierre Gripari
1 Un sorcier et une sorcière se rencontrent dans la rue. Ils sont à la recherche d'Harry Potter, un enfant sorcier…
On
n'avait encore jamais vu dans Privet Drive quelque chose qui ressemblât à cet
homme. Il était grand, mince et très vieux, à en juger par la couleur argentée
de ses cheveux et de sa barbe qui lui descendaient jusqu'à la taille, ïl était
vêtu d'une longue robe, d'une cape violette qui balayait le sol et chaussé de
bottes à hauts talons munies de boucles. Ses yeux bleus et brillants étincelaient
derrière des lunettes en demi-lune et son long nez crochu donnait l'impression
d'avoir été cassé au moins deux fois. Cet homme s'appelait Albus Dumbledore.
Albus
Dumbledore n'avait pas l'air de se rendre compte qu'il venait d'arriver dans
une rue où tout en lui, depuis son nom jusqu'à ses bottes, ne pouvait être qu'indésirable.
Il était occupé à chercher quelque chose dans sa longue cape, mais sembla s'apercevoir
qu'il était observé, car il leva brusquement les yeux vers le chat qui avait
toujours le regard fixé sur lui à l'autre bout de la rue. Pour une raison quelconque,
la vue du chat parut l'amuser. Il eut un petit rire et marmonna : - J'aurais
dû m'en douter.
Il
avait trouvé ce qu'il cherchait dans une poche intérieure. Apparemment, il s'agissait
d'un briquet en argent. Il en releva le capuchon, le tendit au-dessus de sa
tête et l'alluma. Le réverbère le plus proche s'éteignit alors avec un petit
claquement. L'homme alluma à nouveau le briquet - le réverbère suivant s'éteignit
à son tour. Douze fois, il actionna ainsi l'Éteignoir jusqu'à ce qu'il ne reste
plus aucune lumière dans la rue, à part deux points minuscules qui brillaient
au loin : c'étaient les yeux du chat, toujours fixés sur lui. Quiconque aurait
regardé par une fenêtre en cet instant, même Mrs Dursicy et ses petits
yeux
perçants, aurait été incapable de voir le moindre détail de ce qui se passait
dans la rue. Dumbledore rangea son Eteignoir dans la poche de sa cape et marcha
en direction du numéro 4. Lorsqu'il y fut parvenu, il s'assit sur le muret,
à côté du chat. Il ne lui accorda pas un regard, mais après un moment de silence,
il lui parla :
-
C'est amusant de vous voir ici, Professeur McGonagall, dit-il..
Il
tourna la tête pour adresser un sourire au chat tigré, mais celui-ci avait disparu.
Dumbledore souriait à présent à une femme d'allure sévère avec des lunettes
carrées qui avaient exactement la même forme que les motifs autour des yeux
du chat. Elle aussi portait une cape, d'un vert émeraude. Ses cheveux étaient
tirés en un chignon serré et elle avait l'air singulièrement agacée.
-
Comment avez-vous su que c'était moi ? demanda-t-elle.
- Mon cher professeur, je n'ai jamais vu un chat se tenir d'une manière aussi raide.(…)
2
Harry Potter rentre au collège des sorcières…
COLLÈGE
POUDLARD - ÉCOLE DE SORCELLERIE
Uniforme.
Liste
des vêtements dont les élèves de première année devront obligatoirement être
équipés :
1)
Trois robes de travail (noires), modèle normal
2)
Un chapeau pointu (noir)
3)
Une paire de gants protecteurs (en cuir de dragon
ou
autre matière semblable) 4) Une cape d'hiver (noire avec attaches d'argent)
Chaque
vêtement devra porter une étiquette indiquant le nom de l'élève.
Livres
et manuels.
Chaque
élève devra se procurer un exemplaire des ouvrages suivants :
Le
Livre des sorts et enchantements
(niveau 1), par Miranda Fauconnette.
Histoire
de la magie,
par Bathilda Tourdesac
Magie
théorique,
par Adalbert Lasomette
Manuel
de métamorphose à l'usage des débutants, par Emeric G. Changé
Mille
herbes et champignons magiques, par Phyllida Augirolle
Potions
magiques,
par Arsenius Beaulitron
Vie et
habitat des animaux fantastiques,
par Norbert Dragonneau
Forces
obscures : comment s'en protéger,
par Quentin Jentremble.
Fournitures
1
baguette magique
1
chaudron (modèle standard en étain, taille 2)
1
boîte de fioles en verre ou cristal
1
télescope
1
balance en cuivre
Les
élèves peuvent également emporter un hibou ou un chat ou un crapaud.
IL
EST RAPPELÉ AUX PARENTS QUE LES ÉLÈVES
DE PREMIÈRE ANNÉE NE SONT
PAS AUTORISÉS À POSSÉDER LEUR PROPRE BALAI.
J
K Rowling: Harry
Potter à l'école des sorciers.
de
Marie Despléchin
Grâce
à leurs enfants, les mères baignent dans un océan de bonheur. C'est connu,
Quelle
hypocrisie! Moi qui suis une mère, je le dis tout net: ces derniers temps, ma
fille me met les nerfs en pelote. Elle me rend chèvre. Elle me fatigue.
J'ignore
comment les choses se passent dans les familles normales. Elles ressemblent
probablement à ce qui se passe chez nous. j'entends chez les sorcières. Sorcières:
je n'aime pas le mot. Il sent le château fort et le bûcher, le bonnet pointu
et le manche à balai, J'en passe et des meilleures. Tout un folklore désuet
qui date du Moyen Age.
Moi,
de ma vie, je n'ai jamais porté de chapeau, et encore moins de chapeau pointu.
Pointu pour pointu, je préfère les escarpins à très hauts talons. Quant au balai
volant, laissez-moi rire. Quand je veux voler, je prends l'avion comme tout
le monde.
D'ailleurs,
toute sorcière que je sois, personne
ne pourrait me reconnaître, à la porte de l'école, dans le petit tas de mères
qui poireautent en attendant la sortie des classes. Je ressemble à Madame N'importe
Qui. Enfin, je crois... Je n'ai jamais vérifié: je n'attends pas ma fille à
la sortie des classes.
Faire
comme les autres, ce n'est pas mon genre. Je suis vraiment
différente. Je peux vraiment faire un tas de
choses dont le commun des mères n'a même pas idée. Faire pleuvoir ou faire neiger.
Donner la varicelle et le coryza. Transformer un chien en tabouret. Me faire
livrer par le supermarché sans passer de commande. M'abonner au câble sans payer.
Et je n'évoque pas les pouvoirs très extraordinaires, tellement extraordinaires
qu'il est interdit d'en parler.
Tout
cela ne m'est pas venu tout seul. Pour devenir sorcière, il ne suffit pas d'avoir
un don. II faut se donner du mal. Là comme ailleurs, le vrai secret, c'est le
travail. Les jeunes sorcières doivent apprendre, lire et relire sans fin les
manuels et s'exercer sous la
direction
d'une ancienne. Moi par exemple, j'ai tout appris de ma mère. Elle m'a entraînée,
elle a corrigé mes erreurs, elle a mesuré mes progrès. C'est grâce à elle que
je suis devenue ce que je suis: une sacrée bonne professionnelle. Quand je décide
d'être juste et sincère,je reconnais que je lui dois beaucoup.
Lorsque
j'ai été mère à mon tour, je me suis réjouie de pouvoir transmettre le relais
à ma fille. Rien n'est plus beau que de façonner un jeune être à son image.
Il
faut savoir que chez nous le don se transmet de mère en fille, exclusivement.
Il paraît qu'il existe des sorciers, mais j'en doute. Pour ma part en tout cas,
je ne connais pas de sorcier vivant. Il m'est bien arrivé de rencontrer quelques
vieux magiciens foireux, reconvertis dans la prestidigitation. Mais de véritable
sorcier, non. Je ne crois pas que les hommes aient beaucoup à voir avec la sorcellerie.
De
plus, les sorcières ne peuvent passer leur pouvoir qu'à l'aînée de leurs filles.
Voilà pourquoi la plupart d'entre nous se contentent de donner le jour à une
seule gamine. C'est bien assez de souci. Franchement, quand on n'aime pas beaucoup
les enfants, pourquoi s'encombrer de toute une tripotée de braillards sans le
moindre avenir dans la profession?
J'ai
donc donné le jour à une fille. Son père, un certain Gérard si j'ai bonne mémoire,
avait décidé de l'appeler Rose. Rose... On fait difficilement plus tarte.
Mais
je n'entendais pas obéir aux caprices de ce monsieur, si charmant qu'il soit
dans mon souvenir. Peu importe ce qu'il a bredouillé à la mairie: du fond de
mon lit, j'avais ensorcelé l'employé de l'état civil. Ma fille a donc été enregistrée
sous le joli nom de Verte, autrement plus seyant pour une future sorcière que
celui de Rose.
Je
ne sais pas si c'est cette histoire de prénom qui a vexé le papa. Toujours est-il
que, rapidement, nous ne l'avons plus revu. Bon, j'avoue que je ne lui ai pas
facilité les choses.
Une
sorcière prof ressemble, au premier regard, à une sorcière tout à fait normale.
Mais si on l’observe bien, elle a une peau douce et sans verrues. Elle
parle aussi un français impeccable. Sur sa tête, elle porte un chapeau fait
de textes écrits, de morceaux de livres et d’extraits de romans. Quand elle
l’enlève et qu’elle cherche à le poser sur la tête d’un élève, méfiez-vous :
c’est qu’elle n’est pas contente . Elle vient de repérer un élève trop sage,
trop sérieux… Et ça, ça l’énerve au plus haut point ! Ainsi coiffé, l’élève
devient insupportable. Il monte sur les chaises, hurle des mots sans queue ni
tête et aux bout de dix minutes de délire vient se coller au plafond où il finit
par s’endormir.
Parfois,
il suffit que son araignée favorite vous aperçoive pour que vous restiez collé
à votre place. C’est un moment très désagréable, surtout quand sonne l’heure
de la récréation.
La
sorcière porte aussi deux clefs : la clef de son armoire et la clef de
la cave aux supplices. Dans son armoire, on trouve de tout : des dictionnaires
de gros mots, des recueils de bêtises, des mauvaises notes, des boules puantes,
des observations et des heures de colle.
Dans
la cave, c’est tout autre chose… Ce lieu inconnu des adultes est situé sous
le collège. La sorcière y enferme les bons élèves et les laisse seuls avec des
rats, des dragons des araignées et des vers de terre. Les enfants y
passent là plusieurs heures et s’ils parlent, s’ils racontent quoique
ce soit de ce qu’ils ont vécu, ils ont la langue coupée. Personne n’a
d’ailleurs jamais rien dit.
Elle
se promène toujours
avec un grimoire où sont notés les sorts. Parmi les plus courants, il
y a le fabricateur de fautes d’orthographe, le métamorphoseur de bon élève,
la machine à inverser les langues, le créateur de gros mots.. Des horreurs !
Elle
porte aussi un fouet… Là, rien à dire, tout le monde imagine à quoi il peut
servir.
Elle
habite toute l’année au collège. Elle sévit partout mais possède trois lieux
favoris.
La
cour de récréation : c’est là qu’elle s’amuse à faire la folle. Comme elle
a de grands pieds, elle fait des crocs en jambe à volonté. Elle souffle à l’oreille
des meilleures copines les pires idées de dispute. Elle
bouche les toilettes et se déguise en surveillante pour mieux punir les
élèves.
Elle
adore aussi traîner dans la salle de biologie où elle s’amuse à fabriquer des
êtres immondes. L’an dernier elle a marié un têtard et une araignée. Le spectacle
était horrible.
Mais
l’endroit qu’elle préfère c’est la salle des profs. Elle est même tombée amoureuse
d’un professeur de maths. Les adultes ne la voient jamais mais ils peuvent être
victime de ses maléfices. Oh, pas définitivement, seulement le temps d’un cours.
Ils boivent leur café sans s’apercevoir qu’ils avalent une potion, s’endorment
et la sorcière vole leur peau.
Avec
un peu d’entraînement ont peut savoir si le prof est le vrai
maître ou la sorcière déguisée. S’il est ronchon, désagréable, méchant
même, et s’il suce le bout de son pouce gauche, ce n’est pas votre prof d’anglais
favori mais la sorcière déguisée. Méfiez-vous alors de ce qu’elle raconte. Tout
ce qu’elle dit est faux ou ridicule. N’apprenez rien, vous le regretteriez !
Bien sûr , la sorcière professeur est indestructible. Rien ne peut l’arrêter
mais elle cache une toute petite faiblesse. Elle ne supporte l’indifférence.
Alors si vous voulez en réchapper, essayez
simplement de regarder ailleurs ou
de
faire semblant de ne pas la voir. C’est alors qu’elle pleure et tout le monde
sait que les larmes neutralisent les sorcières.