|
En Polynésie
Aux
premiers temps, il n'y avait rien. Ni terre, ni mer, ni homme, ni poisson, ni
soleil, ni ciel, ni eau douce, ni vie. Rien que la nuit et le vide. Seul était
Taaroa ; il se tenait dans le vide et tournait lentement, enfermé dans sa coquille
de bénitier.
Taaroa appelle, mais rien ne lui répond; alors il comprend qu'il doit tout créer. Il soulève sa coquille et la jette très haut au-dessus de sa tête. Et elle forme la coupole du ciel.
Il
prend sa colonne vertébrale et en fait une chaîne de montagnes.
Il
pétrit ses mains et ses pieds en forme de boule, et ce fut la terre.
Avec
ses cheveux, il fit l'herbe, les fleurs, les arbres.
Avec
ses dents, il fit les étoiles, et avec son sourire, il fit la lune.
Avec
ses ongles des pieds et des mains, il fit la carapace de tous les animaux qui
vivent dans les sentiers de la terre et de la mer.
Avec
la sueur de son front, il fit les océans, les lacs, les rivières.
Avec
ses larmes, il fit l'eau des nuages. Et son sang servit à colorer les couchers
du soleil.
De son haleine il créa l'homme. Il lui apprit a creuser une pirogue, bâtir une maison, allumer un feu.
Puis ayant tout donné, son esprit, qui est indestructible, revint habiter dans la coquille qui fut sa première demeure. C'est de là, disent les anciens, qu'il regarde les hommes, ces hommes parmi lesquels il reviendra un jour. Car il s'ennuie tout seul.
D'après « Contes et légendes de Tahiti », éd. F. Nathan
Chez les Indiens d' Amérique,
Au
commencement des temps, il y avait l'eau. Rien d'autre que l'eau. La terre et
la mer ne faisaient qu'une. Dans cet océan vivaient deux frères indiens. Ils
se nommaient Tchaipakomat et Kokomat. Ils ne voyaient rien, car ils n'ouvraient
point les yeux de peur que le sel
ne pénètre sous leurs paupières.
Un
jour, Tchaipakomat monta à la surface, sortit sa tête au-dessus des flots et
ouvrit les yeux. Mais il ne vit qu'une immense surface liquide qui s'étendait
à perte de vue.
Kokomat
le frère cadet, attendait son frère au fond mais, rongé par l'impatience, il
trouva l'attente trop longue et il se mit à monter à travers l'eau profonde
pour rejoindre Tchaipakomat à la surface. Seulement dans sa hâte, il ouvrit
les yeux avant d'atteindre la surface et l'eau l'aveugla.
«
II nous faudra bien faire quelque chose avec toute cette eau », décida l'aîné
des frères. Là-dessus, il prit dans sa main en conque un peu d'écume qui flottait
sur les vaguelettes et l'éparpilla sur le miroir aquatique. Celle-ci se transforma
aussitôt en fourmis rouges.
« Voyons un peu cela » s’écria joyeusement Tchaipakomat, et il se mit à souffler sur l’écume et à éparpiller les fourmis sur la mer. Elles furent bientôt si nombreuses qu'elles repoussèrent l'eau.
Ainsi apparut la Terre.
Ensuite
Tchaipakomat prit de l'écume dans l'autre main et lorsqu'il tendit la paume
vers le ciel, s'éleva dans les airs une bande de magnifiques flamants roses.
Mais comme le monde était encore enveloppé d'obscurité, les flamants se perdirent
bientôt dans les ténèbres.
«
II me faudra les éclairer », constata Tchaipakomat. Il prit encore de l'eau
dans sa bouche et la souffla aussitôt vers les hauteurs célestes. Ainsi fut
créée la Lune. Mais sa faible lueur ne perçait que difficilement le ciel d'encre
et le monde resta toujours enveloppé d'un clair-obscur.
Alors Tchaipakomat prit dans sa bouche un peu plus d'eau et la souffla bien plus haut que la fois précédente, soudain, dans les profondeurs du ciel, le Soleil se mit à briller de ses mille feux et le monde entier s'éclaira tout à coup, comme par enchantement.
« Contes de la Prairie et du Nouveau Monde », Gründ
Légende finlandaise de la création D'après Le Kalevaia, Stock.
Dans l'air infini, flottait une vierge, la superbe Luonnotar.
Très longtemps, elle resta pure dans les vastes plaines du ciel. Elle finit
par s'ennuyer, par se fatiguer de sa vie, toujours solitaire dans les espaces
infinis.
Elle
en descendit à la fin, se posa sur le dos brillant de la mer. Un orage puissant
qui couvrit la mer d'écume, vint de l'est et souleva des vagues énormes.
Le
vent berça la jeune fille, la vague la ballotta sur le dos bleuissant des eaux
; le vent et la vague vinrent féconder son ventre.
Elle
porta son lourd fardeau pendant sept cents ans.
Mère
des eaux, la vierge erra, nagea vers l'orient, vers l'ouest, vers le midi, vers
le nord, vers tous les bords de l'horizon, souffrant de son ventre brûlant,
éprouvant de vives douleurs : elle ne pouvait pas mettre son enfant au monde.
Elle
sanglota doucement. « Malheureuse, dit-elle, quel est mon destin !Je serai à
jamais bercée par les vents et ballottée au gré des vagues.
«
0 puissant Ukko, dieu suprême, soutien de tout le firmament, viens vite, j’ai
besoin de toi, accours auprès de qui t'implore, délivre-moi de mes douleurs.
»
Un
petit moment se passa. Vint un canard, un bel oiseau, qui volait de-ci, de-là,
cherchant un endroit pour faire son nid. Il vola vers l'est, vers l'ouest, il
vola vers le sud, vers le nord, sans trouver la moindre place où se bâtir une
maison.
Toujours
volant, toujours planant, il se dit : « Ferai-je mon nid sur le vent, ma maison
au milieu des vagues ? Le vent renversera mon nid, et la vague emportera ma
chambre. »
Mais alors la mère des eaux, la superbe vierge de l'air, sortit son genou et son épaule de la mer. Ainsi elle offrait au canard un endroit où bâtir enfin sa demeure. Le bel oiseau vit le genou de la vierge sur le dos bleuissant des flots ; il le prit pour une touffe d'herbe, ralentit son vol, descendit. Il construisit vite son nid et y déposa ses œufs : six étaient en or mais le septième était en fer.
Il
se mit à couver, un jour, deux jours et presque un troisième. Mais alors la
mère des eaux sentit sur son genou une chaleur ardente et crut que ses veines
fondaient. Elle étendit brusquement ses membres et les œufs roulèrent au sein
des vagues, se brisant en mille morceaux.
Ils
ne tombèrent pas dans la vase, ni ne restèrent dans les flots ; tous les morceaux
se transformèrent en choses bonnes et utiles : le bas de la coque de l'œuf se
transforma en terre, le haut devint
le ciel, le dessus du jaune fut le soleil rayonnant, le dessus du blanc forma
la lune luisante dans le ciel ; chaque débris de la coque fut une étoile
; les plus foncés devinrent des nuages dans l'air.
Le
temps passait, les années après les années, sous lesr ayons du jeune soleil
et de la clarté de la lune neuve. Mais la vierge nageait toujours au milieu
des ondes tranquilles, sur les flots couverts de brouillard : devant elle l'espace
liquide, derrière elle le ciel serein.
Alors
dans la neuvième année, pendant le dixième printemps, elle leva son front au-dessus
de la mer et se mit à modeler le monde. Partout où sa main se posa, elle créa
des pics et des montagnes, partout où elle posa son pied, elle fit des trous
à poissons, partout où son corps se courba, elle creusa d'énormes gouffres.
Du
flanc elle effleura la terre, formant les rivages unis, du pied elle frappa
la terre, dressant les pièges à saumons; du front elle toucha la terre, modelant
les baies profondes.
Puis
elle s'éloigna vers le large, s'arrêta sur la mer ouverte ; elle façonna les
récifs, cacha les écueils sous les eaux pour le naufrage des navires, pour le
trépas des matelots.
Déjà
les îles sont placées et les continents se dessinent. Mais l’enfant qu’elle
portait dans son ventre, celui qui deviendrait le poète immortel, père de tous
les hommes , n'avait pas encore paru : Väinämôinen n'est pas né. Dans le sein
de sa mère, il a passé presque trente étés et autant d'hivers, sur les flots
couverts de brouillard. « Comment vivre, se disait-il, dans cette cachette si
sombre où la lune ne luit jamais, où jamais le soleil ne brille? Lune, soleil,
délivrez-moi, Grande Ourse, viens me guider loin de cette étroite demeure! »
La
lune ne vint pas l'aider ni le soleil le délivrer ; son existence l'ennuya,
il se dégoûta de la vie. Alors il ouvrit la porte de sa prison, en le frappant
de son doigt ; il déplaça la serrure d'os avec l'orteil de son pied gauche.
Il franchit le seuil sur les mains, à genoux la porte d'entrée. Il tomba dans
l'eau, la tête en avant, bras écartés, à la merci des flots.
Il
flotta ainsi cinq années, six ans, sept ans, huit ans ; puis il finit par aborder
sur une côte inconnue, une terre sans verdure. Il se leva sur les genoux, des
deux bras fit un grand effort, dressé vers le soleil d'or et la lune, pour parler
à la Grande Ourse et contempler les étoiles.
Ainsi
naquit le barde Väinämôinen, le poète immortel, enfant d'une mère divine et
père de tous les hommes.
Japon : la création du monde
A
l’origine, il n’y avait rien qu’une nappe de boue qui bientôt se sépara pour
former le haut et le bas. Dans le haut apparaissaient et disparaissaient les
esprits divins. Dans le bas tout était liquide.
Un
jour, deux de ces esprits décidèrent
de remuer cette mer de boue avec la pointe d’une lance. Ils formèrent un grumeau
sur lequel ils se posèrent tous deux . Les deux esprits étaient frère et soeur
. Ils se nommaient Isanagi, « celui qui invite », et Isanami, « celle
qui invite ». Ils allaient devenir les créateurs de tout ce qu’on peut
voir ici-bas. L’île où ils s’étaient posés s’appelait Awaji. Descendus sur cette
île, les deux esprits s’examinèrent. Aussitôt, ils se plurent. De leur union naquirent toutes les îles du Japon.
Après
avoir donné le jour à une nombreuse famille divine, la déesse
mourut en enfantant l’esprit du feu. Elle
descendit aux Enfers. Son frère
partit à sa recherche mais, quand on est aux enfers, il est interdit
de se retourner pour voir celle que l’on veut ramener à la surface. Isanagi,
hélas, se retourna. Aussitôt, la malédiction frappa le frère impatient :
sa soeur devint sa plus mortelle ennemie.
Par-dessus
le seuil qui séparait les deux mondes, Isanami cria à son frère : “ Puisque
c’est ainsi, mon joli frère, j’étranglerai chaque jour mille de ceux que tu
feras naître. ” Et le frère répondit : “ Puisque c’est ainsi,
ma soeur, j’en ferai naître mille cinq cents. ”
Revenu sur terre, Isanagi se lava dans un torrent, et chaque vêtement qu’il enlevait, chaque salissure dont il se purifiait donna naissance à un esprit. C’est ainsi qu’il tira de son oeil Amaterasu, déesse du Soleil, ancêtre de tous les empereurs. De ses ongles naquirent les montagnes. De son nez, il tira Suzano-wo, son frère. Suzani-wo était un esprit turbulent qui commandait aux énergies élémentaires du sol . En ce temps là la terre était encore bien sauvage. Même les rochers, les arbres et l’herbe s’adonnaient à la violence.
Suzano-wo
était si goujat et ses plaisanteries si scandaleuses qu’un jour il offensa gravement
Amaterasu, la déesse du soleil. Furieuse, elle se retira dans une caverne,
privant ainsi le monde de lumière.
Pour
la faire sortir de sa retraite, la déesse du rire entreprit une danse grotesque
et lascive, qui fit éclater de rire tous
les esprits réunis. Ce rire fabuleux piqua la curiosité d’Amaterasu qui sortit
de sa retraite : la création du monde pouvait alors se poursuivre sous
la lumière du soleil.
D’après une légende
japonaise.
Le tribunal céleste
Le
monde était plongé dans l'obscurité, le brouillard et la morosité. Dieu sommeillait,
enveloppé dans un manteau de brume, la tête appuyée sur un oreiller de nuages.
Soudain, il remua et ouvrit les yeux. Il regarda. A ses pieds, s'étalait le
brouillard. Le brouillard lui montait jusqu'au nez et partout il n'y avait que
du brouillard, rien que du brouillard.
«
Je commence à en avoir assez », se dit Dieu en s'étirant, et ses bras disparurent
dans la brume. Il eut alors l'impression que lui-même n'était plus que de la
brume. Il en fut tout triste et morose. On est toujours triste quand on est
seul au monde, et le Bon Dieu lui-même ne se sent pas mieux, tout seul.
«
Cela ne peut plus continuer », se dit-il, et il agita sa main toute-puissante.
A cet instant, sous sa main gauche se fit la lumière, et sous sa droite l'obscurité.
Il agita une deuxième fois la main, le ciel se balança et la terre se mit à
tourner. Il fit un troisième mouvement, et le soleil apparut d'un côté, les
étoiles de l'autre. Au ciel, il donna un espace infini, au soleil il insuffla
une chaleur brûlante, aux étoiles il octroya une lumière froide, mais que donnerait-il
à la terre ? Elle se blottissait là à ses pieds, grise, déserte, muette, et,
ma foi, si triste qu'il en avait le cœur serré. «Attends, petite, je ne vais
pas te laisser comme ça », dit-il d'un ton apaisant. Il descendit aussitôt des
hauteurs célestes et se mit à l'ouvrage. Creusant ici une vallée, faisant ressortir
là une montagne, plantant des forêts sur les plateaux, remplissant d'eau les
ruisseaux et les fleuves, groupant les nuages au-dessus des montagnes puis y
lâchant le vent ; ensuite il plaça des nids d'oiseaux dans les arbres, et installa
des bêtes dans les forêts. Mais le soir approchait et le Bon Dieu sentait venir
la fatigue ; il ne pouvait pourtant pas aller déjà se coucher. « Je ne me coucherai
pas tant que je n'aurai pas fini», se dit-il. Alors il amassa des pierres sur
les flancs des montagnes, et à leur pied il créa l'homme. Comme il avait créé
les pierres et les gens en dernier, il leur accorda aux uns et aux autres une
bénédiction spéciale. Aux pierres, il dit :
«
C'est sur vous que reposera le monde, vous vous multiplierez et vous répandrez
sur toute la terre. Je vous bénis, vous et vos descendants. »
Et
Dieu contempla les pierres, qui se mettaient à se multiplier, formant de petits
tas, puis des tas plus gros, puis de gigantesques amas qui recouvraient toutes
les montagnes. Ensuite, il se tourna vers les gens et leur dit : « A vous autres,
je donne l'intelligence et l'immortalité. Vous serez les jardiniers de la friche
terrestre. Je vous bénis, vous et vos descendants. »
Alors
les gens se sont répandus sur la terre. Dotés de l'intelligence, ils ont transformé
les friches terrestres en jardins fleuris.
Le
Bon Dieu, satisfait, regagna son logis céleste, dans les hauteurs nuageuses.
Les pierres passèrent des années dans les montagnes. Mais un jour, elles estimèrent qu'elles manquaient d'espace vital. Alors elles se mirent en mouvement, et commencèrent à descendre dans les vallées. Elles pénétrèrent dans les prairies, roulèrent dans les champs labourés. Les gens se fâchèrent, si bien qu'entre les hommes et les pierres la mésentente s'installa. Les gens se heurtaient aux pierres, tombaient dessus, alors ils décidèrent de s'en débarrasser, déblayant leurs terrains, jetant les pierres à l'eau, cassant et broyant ces importunes. Mais cela ne plaisait pas aux pierres. Pour se venger, elles s'abattirent sur les hommes, leur causant beaucoup de mal et de dommages.
Un
soir, alors que le ciel s'était couvert et que la nuit tombait sur la terre,
les gens, inquiets, se préparaient à dormir. Les pierres étaient déjà prêtes
à l'attaque. Dès que tous les gens, jusqu'au dernier, se furent endormis, abattus
par la fatigue, à grand bruit les pierres dévalèrent de la montagne et se jetèrent
tout droit sur les demeures des malheureux hommes. Les gens étaient heurtés
par les pierres, renversés, écrasés, mais c'est en vain qu'ils appelaient au
secours, leurs cris étaient inutiles. Et comme le Bon Dieu avait donné aux gens
l'immor-taHté^ les pauvres ne pouvaient même pas mourir sous les coups des pierres
pour cesser de souffrir. Leur supplice était absolument indescriptible ! Enfin,
leurs gémissements et leurs plaintes arrivèrent jusqu'au refuge céleste du Bon
Dieu, qui regarda à terre, tout surpris de ce qui se passait. Sans hésiter,
il descendit aussi vite qu'il le put sur le globe terrestre.
«
A l'aide, viens nous secourir, protège-nous contre ces pierres cruelles, protège-nous,
si tu as un peu de cœur ! » lui criaient les gens, désespérés. Les pierres,
devant lui, restaient immobiles.
«
Dorénavant, déclara le Bon Dieu, vous ne vous disputerez plus. Je vous ai bénis,
vous les pierres, et vous les gens, mais vous ne méritiez pas ma bénédiction.
Vous, les gens, à partir d'aujourd'hui vous cesserez d'être immortels, et vous,
les pierres, vous cesserez de vous multiplier et vous resterez là où vous êtes.
Et pour tout le mal que vous avez fait aux gens, ils pourront vous extraire,
vous tailler et faire leurs maisons avec vous. »
Là-dessus,
le Bon Dieu n'ajouta rien et, en silence, il regagna son logis céleste, bien
haut dans les nuages.
Comme vous voyez, il a bien jugé. Depuis son jugement, les hommes et les pierres ne se disputent plus entre eux!
Contes du Tibet, Gründ.
En
groupe nous avons lu ces textes. Nous en avons fait un compte rendu
original. Certains ont fait des maquettes, d'autres des affiches, d'autres
enfin des bandes dessinées. Nous nous sommes aperçus que les civilisations
avaient inventé leur monde de nombreuses façons. S'il suffit au
Dieu de la Bible de prononcer des mots pour que les choses existent,
certaines divinités se démontent, d'autres naissent de la mer, d'autres
enfin se trompent et font un brouillon.
A partir d'un des textes nous avons fait une dictée dialoguée où nous avons travaillé sur les formes en (e) et les accords des groupes nominaux.
|
Cliquez sur la photo pour l'agrandir.