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Comment chasser un monstre.Fastoche!
Marie Ange Guillaume, illustrations
de Henri Galeron.
Présentation de l'éditeur
"Le monstre est paresseux et mal élevé.
Tout petit déjà,
il ne fait que dormir et vous roter dessus. Il est jaloux, et dès
qu'il a deux dents, il mord sa sœur. Il est menteur, et dès qu'il
sait parler, il dit "c'est pas moi, c'est ma sœur". Il est
peureux et il arrache les ailes des mouches parce que c'est moins dangereux
qu'arracher les ailes des ours. Il est gourmand et trempe ses pattes
pleines de doigts dans la purée. Il est ennuyeux et pose sans
arrêt des questions barbantes : "Pourquoi que le chat il a
une queue, et pourquoi que l'avion il tombe pas, et pourquoi que la dame
elle est moche ?" Quand, par hasard, il est bien élevé,
timide et sentimental, il a des chaussures vernies et récite des
poésies en pleurnichant. Sinon, il est mal peigné et il
dit "zob de crotte".
Pour chasser un monstre, c'est fastoche
! Exemple : pour chasser le monstre mal élevé, un coup
de pied au cul donne d'excellents résultats. C'est la première
fois qu'il en reçoit
un, ça le déconcerte et il s'effondre comme un minable."
L'auteur et l'illustrateur vus par l'éditeur
Marie-Ange Guillaume a été secrétaire de rédaction
au journal Pilote de 1972 à 1976. Puis pigiste à Pilote,
Libération, Télérama, Le Monde de la Musique, Madame
Figaro… Elle est également dialoguiste pour le dessin animé Agrippine
d'après Claire Bretécher (Canal+), et traduit des tas de
choses dont trois épisodes de la saga Sabine et Griffon de Nick
Bantock. Sans oublier que Marie-Ange est aussi rédactrice régulière
d'une rubrique « humeur » dans Cosmopolitan, le journal des
femmes qui n'ont pas que ça à faire. Sacré Raoul
! a paru au Seuil jeunesse en 2002.
Henri Galeron entre aux Éditions Nathan à Paris en 1967
et assure la direction artistique des Jeux éducatifs de 1972 à 1974,
date à laquelle il devient indépendant. Harlin Quist à New-York
publie son premier livre : Le Kidnapping de la Cafetière. Depuis,
il illustre des livres aux Éditions Grasset, Bayard, Hachette,
Hatier, Motus, Actes Sud, et quelques grands auteurs de la collection «Enfantimages » de
Gallimard. Il enseigne l'illustration à l'école Émile
Cohl à Lyon de 1987 à 1990. Parallèlement, il conçoit
de nombreuses couvertures pour Folio, le Livre de Poche... des affiches
de spectacles, des couvertures de magazines, de CD et des séries
de timbres-poste. Il obtient le prix Honoré en 1985 et à cette
occasion les Éditions Gallimard lui consacrent une monographie.
Il vit et travaille à Montrouge.
LE MONSTRE JALOUX
Le monstre jaloux est envieux et jamais content. Tout petit déjà,
il veut ce qu'il n'a pas, et il déteste ce qu'il a. Si sa maman
lui fabrique une petite soeur, il déteste la petite soeur et fait
des beaux dessins représentant un bébé avec une
fourchette dans l'oeil. Comme personne ne s'intéresse à ses
beaux dessins, il range la petite soeur dans le frigo. Là, il
se fait engueuler et il reste tout crispé de colère pendant
six mois.
Plus tard, il veut la même maison que son voisin, la même
voiture, le même pull rouge. Et s'il s'achète le même
pull rouge, il n'est pas content parce que le voisin a un nouveau pull
bleu. Quand il tombe amoureux, il embête sa fiancée. Il
lui demande ce qu'elle a fait le matin, la veille et le jour de ses dix
ans. Il trouve sa jupe trop courte et il veut savoir pourquoi elle rit,
pourquoi elle a été au cinéma sans lui, et comment
finissait le film. Au bout d'un mois, la fiancée le quitte. Mais
parfois, il tombe sur une fiancée très amoureuse et il
arrive à se marier. Après il embête sa femme. Il
fouille son sac, il la suit dans la rue et déteste ses amis, surtout
s'ils ont un pull rouge. Finalement, une nuit, il l'assassine avec un
couteau en poussant des hurlements.
"Pour chasser le monstre jaloux, c'est fastoche,
il suffit
de lui dire que ses géraniums sont moins
gros que ceux du voisin.
Il explose, tu décolles les
morceaux
du mur et tu les jettes à la poubelle."
LE MONSTRE PEUREUX
Le monstre peureux a la pétoche. Tout petit déjà,
il a peur de faire des dessins dans la purée. Il est tout tremblant.
C'est pour cette raison qu'il est souvent flou sur les photos.
Plus tard,
il a peur d'avoir peur. Généralement, il fait
un métier peu dangereux, comme dessiner des nouveaux modèles
de pantoufles. Il est célibataire parce qu'il a peur de trouver
une femme sur son oreiller. La nuit, il met sept pyjamas en pilou parce
qu'il a peur d'attraper un rhume. Avant de se coucher, il regarde sous
son lit pour voir s'il n'y aurait pas une institutrice. Comme il a peur
de la lumière, il dort avec trois lampes éteintes, et dès
qu'il entend un bruit, il se cache dans l'armoire. Après, il sort
de l'armoire en hurlant parce qu'il est claustrophobe. Le matin, quand
il se brosse les crocs, il voit dans la glace un monstre qui se brosse
les crocs. Il est terrorisé.
Parfois, il a des bouffées d'audace. Ça s'appelle "l'audace
des peureux". Par exemple, s'il voit une grosse brute torturer une
mouche, il fonce sur la mouche et l'écrase. Après, la grosse
brute lui démolit la figure. On l'emmène en ambulance,
et, une fois à l'hôpital, il a peur des piqûres. Sa
vie est inconfortable.
"Pour chasser le monstre peureux, c'est fastoche,
il suffit
d'éternuer
Il saute au plafond, retombe à l'état
de flaque,
et tu n'as plus qu'à le ramasser
à la petite
cuiller."
LE MONSTRE MENTEUR
Le monstre menteur raconte des salades. Tout petit déjà,
il dit que c'est pas lui. "C'est pas moi qui ai mangé les
confitures." (Alors qu'il a de la confiture jusqu'aux oreilles.)
Ou alors, il se fait mousser. Il dit que son père, c'est le Dr
Frankenstein, et que son frère, c'est The Mask. Alors que pas
du tout. Son père, c'est le plombier, et son frère, c'est
juste un robot Marie avec un tranchoir spécial pour les concombres.
Plus
tard, s'il a une jambe dans le plâtre, il dit qu'il est tombé en
parachute. Alors que pas du tout. Il a glissé sur une fraise dans
sa cuisine. Il peut même devenir menteur professionnel. S'il est
dentiste, il dit : "Tu vas voir, ça fait pas mal." (D'où l'expression "mentir
comme un arracheur de dents".) S'il est garagiste, il dit : "Madame,
votre moteur est fichu, il faut tout changer." S'il est présentateur
télé, il dit : "Le nuage de Tchernobyl s'est arrêté à la
frontière, vous pouvez continuez de manger des batavias." S'il
est journaliste mondain, il dit à des dames ridicules : "Vous êtes
très en beauté ma chère." S'il est pêcheur,
il dit : "Ma première truite pesait cent vingt-huit kilos." S'il
veut se faire élire président de la République,
il dit : "Je vais diviser les impôts par douze."
"Pour attraper le monstre menteur, c'est fastoche,
il
faut lui présenter un autre monstre menteur.
Au bout d'une heure, ils s'embrouillent dans leurs
salades, ils font des noeuds
et tu en attrapes deux d'un coup."
LE MONSTRE MAL ÉLEVÉ
Le monstre mal élevé est fort discourtois. Tout petit
déjà, il dit des gros mots comme "caca boudin", "andouille" et "tronche
de pus". En classe, il met des camemberts pourris dans ses trois
chaussures pour que ça sente. Et quand la maîtresse lui
demande la date de la bataille de Marignan, il répond : "C'est
pas tes oignons."
Plus tard, quand il va au cinéma, il met ses trois pieds sur
le siège de devant, il fait des commentaires idiots, et après
il s'endort en bavant sur l'épaule de son voisin. Au restaurant,
il colle ses crottes de nez sous la table. Il fait slurp en avalant sa
soupe, et quand il mange des termites, il pète. (C'est normal
de péter quand on mange des termites. Les ter-mites eux-mêmes
pètent beaucoup, c'est scientifiquement prouvé. Mais le
monstre pourrait s'excuser, quand même.)
On n'a jamais entendu un
monstre mal élevé dire "bonjour
docteur", ni "merci beaucoup", ni "je vous en prie,
faites donc". Dans la rue, s'il croise une dame enceinte, il la
traite de grosse vache. Dans le bus, s'il voit un petit vieux fatigué,
il marche dessus, prend la dernière place assise et s'affale en
disant : "Pfff... chuis nase."
"Pour chasser le monstre mal élevé, c'est fastoche,
un coup de pied au cul
donne d'excellents résultats.
C'est la première
fois
qu'il en reçoit un,
ça le déconcerte
et il s'effondre comme un minable."
LE MONSTRE TIMIDE
Le monstre timide est très constipé. Tout petit déjà,
il fuit ses semblables. À la plage, quand sa maman lui dit : "Va
taper tes petits camarades avec ta pelle et ton râteau", il
vomit tout son quatre-heures.
Plus tard, quand on lui demande l'heure, il
regarde ses pieds sans répondre
et tout le monde le prend pour un monstre malpoli. Ou alors, il regarde
en l'air et tout le monde le prend pour un monstre snob. Quelquefois,
il a des bouffées d'audace. Ça s'appelle "l'audace
des timides". Par exemple, au travail, alors que toute l'équipe
du PNM (le Petit Nécrophile Moderne) étudie un nouveau
pro-jet de cercueil pliant, il s'assied sur les genoux du patron et l'embrasse
sur la bouche. Tout le monde le prend pour un monstre bizarre. Sa vie
n'est qu'un malentendu.
Quand on l'invite à une fête, il n'y va pas. Si on le traîne
de force, il se cache dans le lavabo. Bien sûr, il ne sait pas
danser, et s'il savait, il n'oserait pas inviter une fille. Quand il
voit une fille, il fait des noeuds avec ses genoux. La timidité étant
contagieuse, la fille se prend les pieds dans le tapis. Dans ces conditions,
ils ne se marient pas beaucoup et font très peu d'enfants. Le
taux de natalité chez le monstre timide est voisin de zéro.
"Pour chasser le monstre timide, c'est fastoche,
il suffit
de lui présenter
une hôtesse d'accueil exubérante
qui adore communiquer.
Il se débine en courant, parfois jusqu'à Melbourne."
LE MONSTRE ENNUYEUX
Le monstre ennuyeux est rasoir. Tout petit déjà, il écrit
des rédactions barbantes. Par exemple : "Mon meilleur souvenir
de vacances, c'est le jour où je me suis coincé l'ceil
dans le parapluie de maman."
Plus tard, il fait un métier barbant aussi. II classe des fiches
par ordre alphabétique et quelquefois, il les attache par deux
avec un trombone. Le dimanche, il collectionne les timbres et les rats
pourris, pendant que sa femme, qui est très ennuyeuse aussi, tricote
des pull-overs mités. Après, ils sortent parce que c'est
dimanche. ils s'asseoient sur un banc et ils disent que les jeunes sont
trop polis de nos jours.
Quand on croise le monstre ennuyeux dans l'escalier,
on a droit aux dernières nouvelles : il a mal digéré les yeux de
dinde grillés que lui a faits sa femme samedi dernier... ou jeudi...
oui, jeudi avant d'aller à la poste... Et on n'arrive pas à s'en
décoller, parce que, bizarre-ment, le monstre ennuyeux ne s'ennuie
jamais. Il aime la conversation. Son sujet favori, c'est les intestins
de son chien : "Vous ne savez pas ce qu'il m'a fait, lundi ? Je
l'emmène au cimetière déterrer un mort, comme tous
les lundis, et voilà qu'il se met à vomir des glaires..."
"Pour attraper le monstre ennuyeux, c'est fastoche,
tu renifles un bon coup,
il s'approche pour compter tes poils de nez
– il aime bien
compter les choses
parce que c'est barbant -
et tu lui mords le pif "
LE MONSTRE SENTIMENTAL
Le monstre sentimental est amoureux. Tout petit déjà,
il a le coeur qui bat trop fort. De nombreux médecins se penchent
sur lui avec inquiétude. À huit ans, il tombe amoureux
de sa maîtresse et lui écrit de jolies poésies pleines
de ratures et de taches de gras. La maîtresse les lit devant toute
la classe en rigolant. Le monstre a le coeur brisé.
Plus tard,
il tombe amoureux d'une fille bien trop moche pour lui. Il rêve de l'emmener pique-niquer derrière les poubelles de
la pizzeria, mais ça n'arrive jamais parce qu'elle ne le remarque
même pas. Elle est amoureuse d'un monstre moche (mais alors moche)
qui lui file des claques et la traîne par les cheveux. Il les imagine
mariés, heureux, avec beaucoup d'enfants affreux, tandis qu'il
restera seul, sans personne à traîner par les cheveux. Alors,
pour fuir le spectre hideux de la solitude, le monstre sentimental se
résigne à épouser une femme moins moche mais très
amoureuse, très collante. Les soirs de pleine lune, ils vont hurler à la
mort dans un champ de fleurs bleues, ils font un bébé assez
affreux et ils sont assez heureux. Mais toute sa vie, le monstre sentimental
regrette la femme très moche, car il est romantique et il aime
regretter.
"Pour attraper le monstre sentimental, c'est fastoche,
il faut le tremper dans un bain
de guimauve, avec deux pots de miel
et trois kilos de sucre.
Il finit quand même par s'écoeurer,
il vomit
et tombe en pâmoison."
LE MONSTRE BIEN ELEVÉ
Le monstre bien élevé est poli. Tout petit déjà,
il offre des roses à sa maîtresse. Ou des amanites phalloïdes
s'il habite près d'un bois. En classe, il est au premier rang
et lève toujours le doigt pour répondre à la question
sur les trains qui se tamponnent à Dijon à 12 h 3.
Plus
tard, il a une liste et il envoie ses voeux à tout le monde
pour la nouvelle année. Dans la rue, il aide les aveugles et les
manchots à traverser en les tenant fermement par le bras. Les
manchots n'ayant pas de bras, ils se vexent et le monstre s'excuse. On
a calculé que le monstre bien élevé s'excusait en
moyenne toutes les huit minutes et demie.
Quand il est invité à un dîner, il dit : "Bonjour
madame la baronne, ravi de vous rencontrer, merci, je n'en ferai rien,
votre appartement est charmant, mais si mais si..." Après,
il se mouche, remonte ses chaussettes et mange le poisson avec le couvert à poisson.
Le dimanche, il joue au croquet, au rami, et parfois au canasta. Il est
beaucoup trop poli pour faire peur, et les enfants lui disent : "M'en
fous, j'ai même pas. peur." Ce à quoi il répond
que la formule est grammaticalement incorrecte et qu'il serait mieux
venu de dire : "Fi donc, je n'éprouve aucune crainte."
"Pour chasser le monstre bien élevé, c'est fastoche,
il
suffit de lui roter à la gueule
en le traitant de ducon.
Dans un premier temps,
il devient tout vert et se décompose.
Ensuite, il quitte
le pays."
LE MONSTRE PARESSEUX
Le monstre paresseux est mou. Tout petit déjà, il ne montre
aucun esprit d'entreprise. On le pose là, il reste là.
Rien ne l'intéresse. Il refuse d'apprendre le judo et le violon.
Devenu adulte, il traîne en pyjama jusqu'à la mi-mars. En
avril, il se compte les doigts de pied en bâillant. En mai, il
regarde la télé. Parfois il se lève en rouspétant
pour aller chercher un paquet de chips. Après, il digère.
Début juin, il se traîne dans le jardin et reste à plat
ventre environ deux mois. Pour lui parler, il faut le retourner. Fin
août, il a des chenilles dans les trous de nez.
Une fois par an,
il se fait couler un bain et marine là-dedans
un jour ou deux. Le reste du temps, il pue. Tous les vendredis, il va
chez le cordonnier se faire réparer ses coutures qui pètent
sans arrêt aux coudes et aux genoux : sa mère était
paresseuse aussi, elle l'a fabriqué comme une cochonne et il n'est
pas bien fini.
Il ne se baisse jamais pour ramasser une chaussette sale
et il ne range jamais sa chambre. Son lit est plein d'araignées et de cubitus
rongés. Si on lui propose d'aller visiter un musée, il
se tape l'index contre le front et s'endort en ronflant. Si on lui donne
une liste de choses à faire dans la journée, comme changer
la litière de sa chauve-souris, il se gratte la fesse droite et
retourne se coucher en bâillant.
"Pour attraper le monstre paresseux, c'est fastoche,
il suffit de l'attraper.
Il ne bouge pas d'un poil."
LE MONSTRE GOURMAND
Le monstre gourmand s'empiffre. Tout petit déjà, il avale
chaque jour ses quinze biberons de sang de babouin. À six ans,
il a les yeux plus gros que le ventre et dépense tout son argent
de poche à acheter des tartes aux ventouses de calamar. À douze
ans, il a le ventre plus gros que les yeux. Comme les enfants sont naturellement
méchants, ils l'appellent Bouboule, Patapouf ou Gras-Double. Ça
lui fait de la peine et il mange trois tartines de phoque pour se consoler.
Plus
tard, à la cantine de son entreprise, il avale cinq poulets,
six kilos de frites et une charlotte aux fraises, alors que les secrétaires
mâchouillent des clous et une feuille de lai-tue. À vingt-cinq
ans, il est plus large que haut. Comme il est très joyeux et gentil,
tout le monde l'aime, mais il ne trouve pas de fiancée. Pour trouver
une fiancée, il essaie le régime "clous-laitue",
mais ce régime ne marche que sur les secrétaires, alors
il essaie le régime "rien-du-tout" avec un extra le
dimanche : la semelle de mocassin vapeur et sa farandole de pissenlit-par-la-racine... Ça
marche, il devient maigre et triste, il s'étiole. Le plus souvent,
il craque et recommence à manger des cochons fourrés à la
banane. Il reprend trente kilos et redevient gai comme un pinson. (Gros,
le pinson.)
"Pour attraper le monstre gourmand, c'est fastoche,
il
faut attendre le moment où il est maigre et triste.
Il est
plus vulnérable et plus facile à transporter
dans l'incinérateur de déchets."
COMMENT CHASSER UN ENFANT
L'enfant est paresseux et mal élevé. Tout petit déjà,
il ne fait que dormir et vous roter dessus. Il est jaloux, et dès
qu'il a deux dents, il mord sa soeur. Il est menteur, et dès qu'il
sait parler, il dit "c'est pas moi, c'est ma soeur". Il est
peureux et il arrache les ailes des mouches parce que c'est moins dangereux
qu'arracher les ailes des ours. Il est gourmand et trempe ses pattes
pleines de doigts dans la purée. II est ennuyeux et pose sans
arrêt des questions barbantes : "Pourquoi que le chat il a
une queue, et pour-quoi que l'avion il tombe pas, et pourquoi que la
dame elle est moche ?" Quand, par hasard, il est bien élevé,
timide et sentimental, il a des chaussures vernies et récite des
poésies en pleurnichant. Sinon, il est mal peigné et il
dit "zob de crotte".
De plus, l'enfant aime jouer à des jeux. Il vous tire par la
manche en hurlant "j'veux jouer". Après, il perd et
il boude. À l'école, il copie sa rédaction sur son
copain : "Dimanche, j'ai sorti me promené, les oisots braillait
et y avais un diplodocusse." Après, il a zéro et il
boude. Plus tard, il grandit et regrette amèrement son enfance.
II dit qu'il était heureux.
"Pour chasser un enfant, c'est pas fastoche.
Tu l'endors en lui racontant
l'histoire du monstre
qui fait cuire des yeux. Il adore ça.
Il veut que tu racontes encore et encore, mais au
bout de dix fois, c'est toi qui t'endors.
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